Gadio tente un come-back

L’ancien ministre des Affaires étrangères, limogé en octobre, a créé sa propre formation. Mais il aura sans doute du mal à se faire une place parmi les très nombreux opposants.

À son bureau de Dakar, début août. © Erick Ahounou pour J.A.

À son bureau de Dakar, début août. © Erick Ahounou pour J.A.

cecile sow

Publié le 31 août 2010 Lecture : 3 minutes.

Quand Cheikh Tidiane Gadio évoque ce parti qu’il vient de créer, le Mouvement politique citoyen (MPC), il parle de « porte-à-porte » et de « culture du “nous”, comme chez Obama ». Pas de petits calculs ni de grandes ambitions, assure l’ancien ministre sénégalais des Affaires étrangères, qui refuse de dire s’il sera candidat à la prochaine élection présidentielle. « La question n’est pas à l’ordre du jour, explique-t-il. Nous dévoilerons notre position après avoir tenté de sauver notre Constitution des tripatouillages [seize modifications depuis 2000, NDLR] ».

À 54 ans, Cheikh Tidiane Gadio est un homme accessible mais secret. Sur les circonstances de son éviction du gouvernement, le 1er octobre 2009, il ne s’étend guère. À l’en croire, il aurait voulu partir plus tôt et de lui-même. Cette décision, Cheikh Tidiane Gadio l’aurait même prise dès 2007, au lendemain de la réélection d’Abdoulaye Wade à la tête du Sénégal. « Le chef de l’État a commencé à attaquer tous ceux qui l’avaient soutenu en 2000 : Moustapha Niasse, Ousmane Tanor Dieng, Abdoulaye Bathily… » À l’époque, Gadio se tait mais désapprouve. La montée en puissance du fils du président, nommé ministre de la Coopération internationale, de l’Aménagement du territoire, des Transports aériens et des Infrastructures, en mai 2009, est plus difficile à avaler. L’ancien ministre y voit une tentative de « dévolution monarchique du pouvoir » et refuse d’assister au Conseil des ministres, tout en expliquant que « ce n’est pas une question de personne, mais de respect des institutions ». À moins, murmure-t-on à Dakar, que ses propres ambitions se soient heurtées à celles de Karim Wade.

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Le fait que le président et son chef de la diplomatie s’opposent sur la gestion de la crise guinéenne n’arrange rien. Dès les premières heures du putsch, le 23 décembre 2008, Abdoulaye Wade a apporté son soutien au capitaine Moussa Dadis Camara. Gadio n’était pas d’accord, et le couperet tombe, quelques mois plus tard. Il apprend son limogeage à la radio, sans qu’aucune explication officielle lui soit donnée.

Pragmatisme et ténacité

Cheikh Tidiane Gadio bénéficie d’un capital de sympathie. L’homme est connu pour sa ténacité, son pragmatisme et ses talents de négociateur. Mais il aura sans doute du mal à se faire une place parmi les nombreux opposants qui occupent déjà la scène politique sénégalaise. Certains, d’ailleurs, ne lui pardonnent pas de n’avoir été que tardivement critique à l’égard d’Abdoulaye Wade. Ni de s’être longtemps tu sur ces dossiers qui ont défrayé la chronique. Aujourd’hui encore, il ne se départit pas de sa prudence. Sur la polémique qui a entouré l’organisation de la conférence islamique, en 2009 (ses détracteurs ont reproché à Karim Wade, qui dirigeait l’Agence nationale de l’Organisation de la conférence islamique, d’avoir dilapidé plus de 300 milliards de F CFA, environ 460 millions d’euros), il se contente de dire qu’il a été « fier que le Sénégal ait pu organiser un grand sommet ». Sur le scandale des « chantiers de Thiès », qui a conduit l’ancien Premier ministre Idrissa Seck en prison, il est tout aussi mesuré. « C’était un dossier très complexe, ayant trait à la justice, dans lequel je ne pouvais pas m’immiscer. » Tout juste reconnaît-il entretenir des relations cordiales avec l’intéressé. « L’acharnement » dont a été victime Macky Sall – autre ancien Premier ministre devenu président de l’Assemblée nationale – le fait davantage réagir. « J’ai été révolté. Un jour, je me suis retrouvé dans un endroit où les gens évitaient Macky, en disgrâce. Je l’ai chaleureusement salué et lui ai dit mon soutien. »

Cela suffira-t-il pour se faire une place sur la scène politique sénégalaise et faire oublier ses neuf années passées dans les sphères du pouvoir ? Pas sûr. L’opposition traditionnelle a beau marcher parfois en ordre dispersé, elle a été confortée par de bons résultats obtenus aux élections locales de mars 2009. Et Gadio tient à garder ses distances : le MPC n’a pas vocation à rejoindre la coalition de l’opposition. « Même si nous sommes dans le même camp, il est clair qu’en tant que mouvement citoyen nous présenterons notre candidat en 2012. Nous voulons changer la façon de faire de la politique au Sénégal. »

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