Le Sud pourra-t-il survivre sans le Nord ? Pas sûr.
Janvier 1956. Le Soudan n’a pas le temps de célébrer son indépendance nouvellement acquise que le Sud revendique déjà son autonomie. Il veut protéger ses ressources, ses pouvoirs locaux et sa foi chrétienne. La bataille sera longue : en un demi-siècle, les Soudanais n’auront connu qu’un bref répit, au tournant des années 1970. Lorsque la guerre civile s’arrête, en janvier 2005, elle laisse derrière elle 2 millions de morts.
Le gouvernement soudanais, dirigé par le Parti national du congrès (NCP) d’Omar el-Béchir, et les Sudistes du Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM) ont fini par s’entendre et signer un accord de paix. Un gouvernement d’union et de nouvelles institutions autonomes devront préparer un référendum d’autodétermination, prévu en janvier 2011. Ils auront six ans, le temps de « faire de l’unité une option attirante », selon les termes de l’accord, pour les quelque 10 millions de Sud-Soudanais.
Mais ni le Nord ni le Sud n’ont réellement cherché à promouvoir un Soudan uni. L’actuel leader du SPLM, Salva Kiir, également vice-président du Soudan, est bien moins unitaire que John Garang, son prédécesseur qui avait mené les négociations, en 2005, avant de périr dans un accident d’hélicoptère. Salva Kiir a déjà appelé à voter pour l’indépendance. Quant au régime de Khartoum, il semble depuis quelques mois s’être résigné à une séparation pacifique qui lui offrirait une légitimité internationale. En 2010, les deux parties ont déjà beaucoup fait pour respecter leurs engagements, selon Kouider Zerrouk, porte-parole de la Mission des Nations unies au Soudan (Minus).
« État croupion »
Le NCP et le SPLM ont commencé à plancher : comment partager la dette, réglementer la circulation des nomades ? La stabilité postréférendaire n’est pas non plus garantie. Comme toute guérilla, le SPLM a du mal à effectuer sa transformation en structure politique. D’autres partis apparaissent, marqués eux aussi par des divisions politiques et tribales.
Le Sud-Soudan indépendant risque également d’être confronté à de sérieuses difficultés économiques. Le pétrole ne lui garantira pas la prospérité. Le Sud extrait 400 000 barils par jour, mais pour Benjamin Augé, chercheur à l’Institut français des relations internationales, « il dépendra longtemps des infrastructures du Nord », où se trouve le terminal d’exportation de Port-Soudan. « Les investisseurs ont confiance dans le Nord, qui n’a pas aidé le Sud à déployer sa propre politique pétrolière. » Et ce n’est pas l’agriculture, quasi inexistante, qui pourra dynamiser l’économie. Un risque de dépendance envers le Nord qui ferait du Sud-Soudan, selon le directeur du Centre d’études et de documentation économiques, juridiques et sociales du Caire, Marc Lavergne, un « État croupion ».
Depuis les élections d’avril 2010 qui l’ont reconduit au pouvoir, le président El-Béchir répète que la consultation se tiendra comme prévu en janvier 2011. Pour un diplomate européen, un report du vote aurait été « hypocrite » puisque toutes les formules alternatives – comme une fédération – ont été écartées. « Plus rien ne peut être fait dans le cadre de l’autonomie. » Dernier frein : la démarcation de la frontière de la province pétrolifère d’Abyei, qui devra dire si elle veut être rattachée au Nord ou au Sud. Sans compter les retards techniques pris par la Commission électorale indépendante, nommée seulement en juin.
Mieux vaut être pauvres mais libres, ont clamé de nombreux peuples africains. Les Sud-Soudanais s’engagent à leur tour sur ce chemin difficile. Et cherchent depuis début août leur futur hymne national.
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