Les chantiers de Paul Kagamé
Évidemment il y a l’éducation et la lutte contre la pauvreté parmi les chantiers du chef de l’État. Mais, réélu le 9 août, il va aussi devoir gérer les ambitions des nombreux prétendants à sa succession.
Le sacre de Paul Kagamé
Sans surprise aucune, le président rwandais, Paul Kagamé, a été réélu, le 9 août, avec 93 % des suffrages. Sans surprise non plus, la communauté internationale s’est une nouvelle fois félicitée du bon déroulement des opérations de vote, même si des ONG de défense des droits de l’homme avaient, ces derniers mois, dénoncé des pressions et des violences contre les opposants. Et même si, peu de temps après l’annonce des résultats définitifs, le 11 août, un attentat à la grenade a été perpétré dans le centre de Kigali.
Ce mandat sera, si l’on en croit la Constitution, le dernier de Paul Kagamé. Tout au long de la campagne électorale, le président sortant a pris soin de se démarquer de ses trois challengeurs : il n’a rien promis, ou presque. Il a préféré répéter à l’envi qu’il avait bien exercé son premier mandat et qu’il comptait faire encore mieux durant le second, qui s’achèvera en 2017. La seule annonce notable aura concerné le secteur de l’éducation. Dorénavant, les cycles primaire et secondaire dureront douze ans (six chacun), au lieu de neuf ans actuellement. L’enseignement de base devient obligatoire et gratuit dans les écoles publiques. Promouvoir l’éducation pour tous demeure donc l’une des grandes priorités du nouveau septennat.
Agriculture biologique
Mais là où Kagamé aura fort à faire, c’est en matière de lutte contre la pauvreté. Souvent loué pour son faible niveau de corruption et pour son climat favorable aux affaires, le Rwanda n’en reste pas moins un pays très agricole (plus de 80 % de la population active vit du secteur primaire) et à la merci d’une mauvaise récolte ou d’une chute des cours. Kigali mise sur l’agriculture biologique pour répondre à une demande mondiale croissante, mais l’enclavement du pays, qui se trouve à quelque 1 500 km du port de Dar es-Salaam, en Tanzanie, est un grand handicap. Cette situation rend les coûts de transport très élevés, tout comme ceux de l’énergie et des moyens de communication. Pour y remédier, un projet de construction d’un tronçon de chemin de fer reliant Isaka (nord de la Tanzanie), Kigali et le Burundi, sur une distance de 450 km, est en cours.
Financé par la Banque africaine de développement (BAD), ce chantier devra coûter 3,5 milliards de dollars (2,66 milliards d’euros). Les travaux vont démarrer, sauf imprévu, en septembre. Outre le renforcement des infrastructures, le président rwandais s’attellera à l’un de ses chevaux de bataille : le secteur des services. Sans ressources naturelles abondantes, le pays compte sur le tertiaire pour devenir un véritable pôle d’excellence au sein de la Communauté d’Afrique de l’Est et de la Communauté économique des pays des Grands Lacs (CEPGL). Pour atteindre cet objectif, Kigali s’est attaché à simplifier au maximum les formalités relatives à la création d’entreprises.
Remous
Sur le plan politique, il est certain que l’on n’assistera pas à un changement de cap dans le mode de fonctionnement politique du pays. Le consensus entre la dizaine de partis réunis au sein du Forum de concertation des formations politiques restera de rigueur. Mais Kagamé ne manquera pas de tenir compte des remous provoqués dans son propre camp par des camarades qui, après avoir mis en sommeil leurs ambitions personnelles, réclament un partage du pouvoir. Certains se sont d’ailleurs déjà désolidarisés du Front patriotique rwandais (FPR, au pouvoir).
C’est le cas de Frank Habineza, aujourd’hui à la tête du Parti démocratique vert, mais aussi de Faustin Kayumba Nyamwasa, ancien membre du FPR auquel on a prêté de plus hautes ambitions et qui a été victime, en juin, d’une tentative d’assassinat en Afrique du Sud, où il s’était exilé. Selon un proche du pouvoir, « tout le monde se prépare sans en donner l’air ». Et, à sept ans de la prochaine élection, « les prétendants à la succession de Kagamé sont nombreux ». Reste à voir comment le chef de l’État compte gérer cette réalité.
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