Ali Bongo Ondimba : « Le temps des girouettes est révolu »

Il y a un an, après le décès de son père et une élection présidentielle contestée, il a pris en main les rênes d’un pays menacé de paralysie. La tâche qui l’attendait était immense. L’aspiration de ses compatriotes au changement aussi. Premier bilan.

Après un an à la tête du Gabon, Ali Bongo Ondimba a imprimé sa marque. © David Ignaszewski

Après un an à la tête du Gabon, Ali Bongo Ondimba a imprimé sa marque. © David Ignaszewski

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Publié le 1 septembre 2010 Lecture : 17 minutes.

Libreville, début août. La capitale se prépare à célébrer en grande pompe le cinquantième anniversaire de l’indépendance du Gabon. Un peu partout, les portraits des trois présidents élus qui ont marqué l’histoire du pays, véritable mosaïque ethnique aux équilibres instables mais préservée des conflits qui ont endeuillé tant d’autres nations du continent. Léon Mba, Omar Bongo Ondimba et aujourd’hui son fils, Ali, semblent veiller sur les Gabonais depuis les frontons des immeubles ou les réverbères. Les décorations et les drapeaux vert, jaune et bleu égaient quelque peu la ville, recouverte d’un épais manteau de nuages gris que le soleil d’hiver ne parvient que rarement à percer.

L’année dernière, à la même époque, le Gabon était en proie à l’inquiétude, palpable à chaque coin de rue. C’était un pays orphelin de son chef, qui donnait l’impression de s’apprêter à faire un saut dans le vide. Après quarante-deux ans de règne, Omar Bongo Ondimba (OBO), véritable totem, laissait un vide immense pour tous les Gabonais. Libreville bruissait des rumeurs les plus folles, le rapport des forces entre les candidats déclarés à sa succession n’était pas encore clairement établi, la méfiance était de rigueur et les risques de dérapage réels.

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Différence de style

Un an plus tard, tout a changé. Jusqu’ici surnommé « Baby Zeus », Ali Bongo Ondimba (ABO) est devenu Zeus tout court. Il a succédé à son père à l’issue d’une élection à un tour disputée – ses deux adversaires, Pierre Mamboundou et André Mba Obame, ont recueilli, au total, plus de voix que lui – et contestée. Mais « Ali », comme l’appellent ses compatriotes, s’est installé, a mis en place son pouvoir et ses hommes et s’est attelé à la tâche, immense, qui l’attendait : répondre aux attentes énormes de changement sans renier sa filiation et son héritage.

Le changement de style est radical. Omar gérait son pays comme un chef de village ou de famille, Ali ressemble davantage à un chef d’entreprise : organisation, travail, gestion rigoureuse, patriotisme économique, respect des règles et, pour tous ou presque, fin des passe-droits. Ce changement de style déroute dans un Gabon en pleine transition, encore ankylosé par deux décennies d’immobilisme. OBO arrondissait les angles, ABO déteste les compromis. Le premier était passé maître dans l’art de ramener les « enfants prodigues » à la maison, quitte à passer l’éponge sur les pires affronts. Le second se refuse à cet exercice et a la rancune tenace. Question de génération (il a 51 ans) et de caractère, sans doute, mais aussi de leçons tirées de l’exercice d’un pouvoir qui, après avoir flirté avec l’abîme au cours des années 1990, quand Paul Mba Abessole le fit vaciller, a sans doute trop cherché à se prémunir de toute sérieuse contestation pour faire autre chose que de la « politique politicienne ».

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Lors de l’entretien à son domicile de La Sablière, le 8 août.

© Baudouin Mouanda pour J.A.

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L’homme qui nous a reçu à son domicile de La Sablière, un quartier huppé de Libreville, s’est révélé aux antipodes­ des clichés véhiculés sur son compte. On le disait austère, méfiant, peu à l’aise. Il est apparu décontracté, sûr de lui et ouvert. Il s’est prêté sans rechigner au jeu des questions, n’en éludant aucune. Même s’il s’est fait très diplomate quand il s’agissait de parler de ses voisins d’Afrique centrale… À la fin de l’entretien, il a rejoint les membres de sa sécurité, son frère Alex et son ex-beau-frère Patrick-Hervé Opiangah pour la traditionnelle partie de foot du dimanche, dans le jardin de sa résidence. Inutile de préciser que c’est l’équipe du « patron » qui a gagné…

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Jeune Afrique : L’année dernière, en pleine campagne présidentielle, vous nous aviez déclaré que vous deviez désormais vous faire un prénom ; et que les Gabonais voulaient savoir si vous étiez capable de les diriger. Un an plus tard, pensez-vous les avoir convaincus ?

Ali Bongo Ondimba : Au risque de paraître vaniteux, je pense que oui. Les Gabonais ont fait connaissance avec moi et, surtout, ont constaté que j’ai tenu autant que possible ce que j’avais promis.

Qu’est-ce qui est le plus difficile : conquérir le pouvoir ou le conserver ?

C’est très différent, mais conserver le pouvoir est indubitablement beaucoup plus difficile.

L’exercice de la fonction de chef d’État vous a-t-il surpris ?

Toute nouvelle aventure recèle son lot de surprises, même pour ceux qui, comme moi, ont déjà une certaine expérience du pouvoir et ont été à bonne école. Mais je ne peux pas dire que j’ai fait beaucoup de découvertes, même si je n’étais pas forcément très à l’aise au début. En revanche, ce qui m’a le plus marqué, c’est le fait que, jusqu’à présent, lorsque j’avais des choix importants à faire ou des décisions complexes à prendre, je me disais : « Tiens, je vais aller au palais en discuter avec le patron et lui demander conseil. » J’ai dû m’habituer à ne plus disposer de ce précieux recours.

Quel bilan dressez-vous de cette première année ?

Elle a été très intéressante, très riche. Il a d’abord fallu que je me fasse connaître de mes compatriotes. Pendant la campagne, j’ai parcouru le pays en tous sens, prononcé une cinquantaine de discours pour expliquer ma démarche et mes ambitions pour le Gabon. Après l’élection, j’ai dû faire de même auprès de mes pairs africains et de la communauté internationale. Beaucoup de voyages, de rencontres, de débats, de conférences et de sommets internationaux… Nous avons aussi passé beaucoup de temps à réfléchir à la manière dont nous allions mettre les choses en place, à prendre la mesure des chantiers qui nous attendaient et à dresser l’inventaire de tout ce qu’il fallait changer. Avant de construire une belle maison, il faut s’atteler aux fondations. Un travail presque invisible, mais indispensable si vous ne voulez pas voir tout s’écrouler en un tournemain…

L’impatience, la soif de changement des Gabonais sont pourtant énormes…

J’ai toujours indiqué à mes compatriotes que la route serait longue et que je n’avais pas de baguette magique. Je ne suis pas là pour faire un lifting, ou un dépoussiérage, dans la précipitation. Ce qui nous attend prendra du temps, mais nous sommes sur la bonne voie. Les Gabonais s’en apercevront très vite.

Fin des effectifs pléthoriques dans la fonction publique, des cumuls de mandats et de fonctions, des placards dorés, chasse aux gaspillages… Vos premières décisions ont été marquées par une sévère reprise en main. Avez-vous conscience d’avoir ainsi suscité de graves inimitiés au sein de votre propre camp ?

Bien sûr. Mais tout le monde savait que ces mesures devaient être prises, tout le monde les réclamait. Le président Bongo lui-même l’avait dit en 2007. Sa santé ne lui en a pas laissé le temps. C’est tombé sur moi, je l’ai fait.

Depuis votre arrivée au pouvoir, d’anciens caciques du Parti démocratique gabonais (PDG) se sont unis au sein d’une nouvelle formation d’opposition, l’Union nationale. Cela vous inquiète-t-il dans la perspective des législatives de 2011 ?

Non, nous avons déjà connu plusieurs vagues de départs vers l’opposition depuis les années 1990. En fonction du moment, des aléas de la vie, de leur bonne ou de leur mauvaise fortune, ils ont d’ailleurs souvent eu tendance à revenir au PDG… Bon débarras ! Nous avons trop souffert de ces girouettes qui ont une attitude le jour et une autre la nuit. Nous préférons nous retrouver entre vrais militants. J’ajoute que les législatives partielles du mois de juin me confortent dans cet état d’esprit : nous avons remporté plus de sièges que nous n’en avons perdus.

Vous avez été très proche de l’un des leaders de cette nouvelle opposition, André Mba Obame. Vous êtes-vous revus depuis votre rupture ?

Nous ne nous sommes pas vus depuis qu’il a quitté le gouvernement. Et pas parlé non plus.

Pour quelle raison ?

Posez-lui la question. C’est lui qui a quitté ce parti dans lequel il a longtemps milité. Il doit donc nourrir quelques griefs. Il a fait un choix, il doit l’assumer.

Depuis, il ne vous ménage guère. Au mois de mars, par exemple, il a en substance déclaré que, si le PDG s’obstinait à confisquer le pouvoir, il y aurait un risque important de coup d’État « à la nigérienne »…

Je dois avouer qu’il m’a étonné. Je le connais bien, mais là… Soit il souhaitait se faire remarquer, et il a réussi son coup, soit c’est un fantasme qui lui a traversé l’esprit. Je pense qu’il sait parfaitement que le Gabon n’est pas le Niger

Les replis identitaires qui ont marqué la dernière présidentielle vous inquiètent-ils ?

Oui, certains propos et certains comportements m’ont choqué. Mais, au bout du compte, l’attitude des Gabonais m’a rassuré. Je me suis dit que le président Omar Bongo avait vraiment réussi à instituer l’unité et la cohésion nationales. C’est le sens de notre histoire. Tous ceux qui ont été tentés de prendre le chemin de la division ont échoué. Il y a cinquante ans, comme aujourd’hui.

Certains proches de votre père vous reprochent de ne pas savoir « ouvrir les bras » à vos ennemis, comme lui-même le faisait si bien…

Il ne faut pas feindre d’être amnésique. J’étais aux côtés du président Omar Bongo quand il « ouvrait les bras ». Il l’a fait pendant les vingt-cinq dernières années. Pour quels résultats ? Pour voir une bande de profiteurs revenir à la première occasion sur leurs engagements. Le Gabon en a trop souffert. J’aime les choses claires : nous sommes en démocratie, chacun est libre de nous soutenir ou non. Mais le temps des girouettes est révolu.

Comment vivez-vous le fait d’être constamment comparé à votre père ?

J’y étais préparé et je savais pertinemment que la comparaison ne serait pas à mon avantage. C’est un phénomène naturel, qui ne me cause aucun souci.

Que penserait-il de la situation actuelle ? Et de vos premiers pas ?

Sur le fond, il m’aurait totalement approuvé. Mais il est certain que j’ai plus que lui tendance à mettre le pied sur l’accélérateur [rires].

Depuis près d’un an, le général Ntumpa Lebani est en prison pour atteinte à la sûreté de l’État, sans qu’on sache réellement ce qui lui est reproché.

Il m’est difficile d’en parler, car je ne souhaite pas être accusé de m’immiscer dans une affaire délicate, actuellement entre les mains de la justice. La procédure suit son cours, et le général Ntumpa, qui a été arrêté avant que je devienne président, dispose de toutes les garanties en vue d’un procès juste, équitable et ouvert.

Vous aviez promis de rendre public un audit de la fonction publique en janvier dernier. Pourquoi ne pas l’avoir fait ?

Lorsque vous prévenez les gens que vous allez réaliser un audit, ils ont tendance à se tenir à carreau pendant un certain temps, avant de reprendre leurs mauvaises habitudes. Nous avons donc souhaité le prolonger, pour affiner les résultats, les comparer sur différentes périodes et ne pas obtenir une « photographie » erronée de la situation.

Vous avez hérité d’un scandale sans précédent avec l’affaire des détournements à la Banque des États de l’Afrique centrale [Beac] et la mise en cause de plusieurs responsables gabonais de l’institution. Comment l’avez-vous vécu ?

Ça a été très difficile. J’arrivais, je m’installais, et je me suis retrouvé confronté à ce dossier pour le moins épineux. Nous avions deux possibilités. Soit tenter d’étouffer l’affaire. Soit faire en sorte que ce type de comportements détestables prenne fin, jouer la carte de la transparence pour que cela ne se reproduise plus. Nous avons évidemment choisi la seconde attitude. Maintenant, nous souhaitons que l’on ne s’arrête pas au cas des quelques Gabonais cités dans ces détournements. Il faut que tous les auteurs de malversations, quelles que soient leurs origines, soient démasqués. Dès le départ, nous avons tout mis en œuvre pour que la lumière soit faite. Et nous aimerions que tout le monde ait la même attitude…

Où en sont les enquêtes diligentées par la justice gabonaise ?

Je n’aime pas les mesures expéditives. La justice prend son temps afin d’aller au fond des choses et de faire en sorte que personne ne passe entre les mailles du filet.

Vous vous êtes battu pour que le Gabon conserve le poste de gouverneur de la Beac. Or, après l’instauration d’un système de rotation entre les différents États de la région, celui-ci est finalement revenu à la Guinée équatoriale. Est-ce un échec personnel ?

Non, nous savions que, tôt ou tard, ce principe de rotation serait adopté. En revanche, j’estime qu’il l’a été à la hâte. Encore une fois, nous ne sommes pas suffisamment allés au fond des choses avant de prendre les mesures nécessaires.

Lors du sommet de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale, à Brazzaville, en juin.

© APA

Jean-Pierre Oyiba, votre directeur de cabinet, a lui-même été mis en cause et a dû démissionner de ses fonctions…

C’est lui qui est venu me voir pour me dire qu’il se mettait à la disposition de la justice et qu’il ne voulait pas gêner notre action. Cette attitude est louable. Maintenant, que je sache, la culpabilité de M. Oyiba n’a pas été clairement établie. Attendons avant de tirer des conclusions définitives.

Sur le plan économique, l’État gabonais s’efforce d’accroître son contrôle sur les secteurs minier et pétrolier…

Je l’avais annoncé pendant la campagne, c’est une question d’équilibre. Il était inconcevable que l’État ne puisse peser davantage sur le développement économique de notre pays. Nous n’avons pas vocation à rester spectateurs. Il n’est plus question de subir, mais d’amener nos partenaires dans les directions que nous souhaitons.

Le patriotisme économique semble avoir ses limites. L’interdiction d’exporter les grumes afin de favoriser la transformation sur place du bois gabonais a beaucoup fait souffrir le secteur forestier. De nombreux opérateurs critiquent une mesure qu’ils jugent trop rapide, à laquelle ils n’étaient pas préparés…

Il ne faut pas dire n’importe quoi. Une loi adoptée en 2002 spécifie que 75% du bois gabonais devrait être transformé localement à l’horizon 2012. Or, à un peu moins de trois ans de l’échéance, nous n’en étions même pas à 45 % ! Ce retard ne s’explique pas. Nous n’avons fait que mettre les gens face à leurs responsabilités. En outre, cette mesure n’est pas aussi radicale qu’on a bien voulu le dire. Sachant que la période d’adaptation serait difficile, nous avons annoncé que nous étions disposés à consentir des efforts, au cas par cas, à condition qu’on nous présente au moins un projet…

Dans le budget 2010, 900 milliards de F CFA [environ 1,4 milliard d’euros] sont consacrés aux investissements publics. Quel est le taux de réalisation, à mi-parcours ?

Nous sommes au-delà de 50%.

Quel est votre chantier prioritaire ?

ÂÂÂÂLes Gabonais veulent des routes et des logements. Mais cela doit s’inscrire dans le cadre de projets touristiques, miniers, industriels ou, tout simplement, de développement. Faire des routes pour faire des routes n’a pas de sens. C’est donc un peu plus compliqué que d’aligner des kilomètres de bitume.

D’un côté, l’État emprunte 175 milliards de F CFA [près de 267 millions d’euros] pour apurer la dette intérieure ; de l’autre, il consacre quelque 100 millions d’euros à l’acquisition d’un hôtel particulier, rue de l’Université, à Paris. Compte tenu de votre éloge de la rigueur, n’est-ce pas choquant ?

Je ne vois pas bien le rapport. Au cours des dernières années, l’État a consacré tous ses efforts à l’apurement de la dette extérieure. La dette intérieure devenait, pour sa part, insoutenable. Nous ne pouvions laisser les entreprises gabonaises dans cette situation. Il a donc fallu faire un effort important – et le financer. L’acquisition de l’hôtel particulier à Paris, dont le prix est assez éloigné de celui que vous évoquez, répond à un double besoin : procéder à un investissement pérenne – la pierre, me semble-t-il, en est un – et rationaliser nos dépenses à long terme. La France est notre premier partenaire, nos responsables s’y rendent très fréquemment. Additionnez le coût de leurs séjours parisiens, depuis dix ans… Or ces responsables seront désormais logés dans cet immeuble, même si ce ne sera évidemment pas sa seule vocation.

Les professionnels de l’immobilier soutiennent que vous avez acheté ce bien beaucoup trop cher…

C’est faux, et j’attends qu’on me démontre le contraire. Compte tenu de la superficie et de l’emplacement de cet hôtel, laissez-moi vous dire que nous avons réalisé une très bonne affaire. Beaucoup ont spéculé sur un prix – ces fameux 100 millions d’euros – qui n’est pas celui que nous avons payé.

Combien, alors ?

Cela ne regarde que l’État gabonais.

Votre pays sera-t-il prêt pour l’organisation, conjointement avec la Guinée équatoriale, de la Coupe d’Afrique des nations de football, en 2012 ?

Évidemment. Je comprends l’inquiétude des uns et des autres, dès lors que nous avons pris un peu de retard. Mais nous n’avons jamais envisagé de déclarer forfait. Nous serons prêts le jour J.

En Afrique, la France ferme ses bases militaires situées sur la façade atlantique, sauf au Gabon. Le président Sarkozy ne s’est jamais rendu deux fois dans le même pays africain, à l’exception du Gabon. Certains y voient du favoritisme, parce que votre pays serait l’un des derniers refuges de la Françafrique…

C’est dans les moments difficiles que l’on compte ses vrais amis. Nicolas Sarkozy nous a simplement témoigné le soutien de la France dans une période extrêmement délicate. Nous avons consenti de nombreux efforts pour remettre le pays dans la bonne direction, et je crois qu’il en est conscient. C’est en ce sens qu’il faut interpréter ses visites. Quant au maintien de la base militaire, posez la question au gouvernement français. Je précise que cette base permettra de soutenir des opérations de maintien de la paix sur tout le continent. Et que notre partenariat vise aussi à mettre en place des structures de formation d’officiers africains – et pas seulement gabonais. Tout le monde y gagne. Après, chacun est libre d’interpréter cela comme il l’entend.

Le président français accueilli par la mère de son hôte gabonais à l’aéroport de Franceville, le 24 février.

© Ludovic Pool/Sipa

Nicolas Sarkozy entretenait d’excellentes relations avec votre père. Et avec vous ?

Nous avons d’excellents rapports. Nicolas Sarkozy est de ma génération, nous avons une autre manière de discuter, d’échanger. Je l’écoute, lui comme d’autres, je sollicite son avis. Mais quand il faut prendre une décision, on est toujours seul.

Avec l’avocat français Robert Bourgi, écouté de Nicolas Sarkozy et très proche d’Omar Bongo Ondimba, vos relations semblent en revanche beaucoup plus distantes…

Chacun son style. Le président Bongo avait le sien, j’en ai un autre. C’est une question de tempérament. Mais, sur le fond, je n’ai aucun problème avec Robert Bourgi. J’ai de bonnes relations avec lui, il le sait bien.

Vous êtes, depuis l’enfance, très proche de Mohammed VI, le roi du Maroc. Qu’en est-il depuis que l’un et l’autre êtes devenus chefs d’État ?

Il compte beaucoup pour moi et a l’avantage d’avoir passé dix ans de plus que moi à la tête de son pays. Nous discutons beaucoup. Évidemment, nous ne nous voyons plus aussi souvent qu’avant, mais nous nous appelons régulièrement.

Vous arrive-t-il d’évoquer la difficulté de succéder à des pères aussi charismatiques que les vôtres ?

Nous en discutions avant, plus maintenant. Cela fait longtemps que nous en sommes arrivés à la conclusion qu’il ne servait à rien de nous mettre en compétition avec eux [rires].

Après Faure Gnassingbé au Togo, Joseph Kabila en RD Congo et vous au Gabon, d’autres fils de chefs d’État africains envisagent plus ou moins sérieusement de briguer la succession de leurs pères. C’est le cas, entre autres, de Karim Wade ou de Gamal Moubarak. Que pensez-vous de ce phénomène ?

Si je vous disais que je trouve cela choquant, me prendriez-vous au sérieux [Rires] ? Non, sans plaisanter, ça me semble assez naturel. Quelle que soit la profession de son père, un fils a souvent tendance à vouloir marcher dans ses pas. Il existe des dynasties de banquiers, de notaires, d’industriels, de journalistes… C’est la vie qui veut ça. Maintenant, le désir est une chose, parvenir à ses fins en est une autre. Il n’existe pas de recette miracle pour devenir président.

Et si, un jour, l’un de vos fils vous disait qu’il souhaite faire comme vous…

Je lui répondrais qu’il ferait mieux de faire du business. Être président, c’est déjà extrêmement difficile. Succéder à son père l’est plus encore.

Pascaline, votre sœur, était un pilier du régime d’OBO, une sorte de gardienne du temple. Beaucoup de rumeurs circulent sur votre relation. Quel véritable rôle joue-t-elle à vos côtés ?

Chacun d’entre nous avait des fonctions bien précises et distinctes auprès du président Omar Bongo. Elle continue de jouer un rôle très important, d’une manière différente.

Les épouses des chefs d’État sont souvent cantonnées au social, à l’humanitaire. Est-ce aussi le cas de Sylvia Bongo Ondimba ?

Non, car elle est ma première conseillère. Elle souhaite apporter sa contribution et je l’y encourage. Elle partage notre vision pour le Gabon et fait du bon travail. Pourquoi m’en priver ?

Sylvia Bongo Ondimba lors de la caravane "Gabon profond", en juillet.

D.R.

Quelles relations entretenez-vous avec les principaux chefs d’État de la sous-région, qu’il s’agisse du Camerounais Paul Biya, de l’Équato-Guinéen Teodoro Obiang Nguema ou du Congolais Denis ­Sassou Nguesso ?

Je les connais tous depuis de longues années. Ils me font bénéficier de leur expérience, de leurs conseils, et m’évitent les erreurs de débutant.

À leurs yeux, vous faites quand même figure de « petit dernier »…

Rien n’est facile pour les petits derniers, dans quelque domaine que ce soit. Heureusement, dans le nôtre, il n’y a ni examen de passage ni bizutage.

On dit néanmoins que vous entretenez des relations tendues avec Teodoro Obiang Nguema ou Denis Sassou Nguesso…

Si l’on devait s’arrêter à tous les on-dit… Non, c’est complètement faux.

Le Gabon célèbre ce 17 août le cinquantenaire de son indépendance. Quel bilan dressez-vous de cette période ?

Globalement positif. Il y a des choses à retenir, d’autres à jeter, mais il faut se souvenir que nous sommes partis de rien ! Tout ce qui existe au Gabon, nous l’avons fait par nous-mêmes. Il a d’abord fallu construire un État, ce qu’a fait Léon Mba. Ensuite, alors que nous n’étions qu’une mosaïque de peuples, il a fallu construire une nation, et ça a été l’œuvre d’Omar Bongo Ondimba. Ce chemin parcouru nous permet aujourd’hui d’envisager la suite d’une autre manière. Et de consacrer tous nos efforts à l’accélération du développement économique et social.

Comment voyez-vous le Gabon dans cinquante ans ?

À la place qui doit être la sienne : parmi les nations les plus développées du continent.

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