Le touriste israélo-tunisien qui ne suivait pas le « Guide »

Un Israélien doté d’un passeport tunisien arrêté en Libye n’a été relâché qu’après d’intenses tractations entre les trois pays. Était-il un espion ou un marginal un peu simple d’esprit comme le décrivent ses amis.

Rafael Hadad (à g.) avec Avigdor Lieberman, à Tel-Aviv, le 9 août. © Nir Elias/Reuters

Rafael Hadad (à g.) avec Avigdor Lieberman, à Tel-Aviv, le 9 août. © Nir Elias/Reuters

Publié le 26 août 2010 Lecture : 3 minutes.

Était-il, comme on le dit en Israël, un simple touriste qui a eu l’« inconscience » de s’aventurer au pays de Mouammar Kadhafi ? Ou, comme on l’a prétendu en Libye, un « espion israélien » ? Rafael Hadad, 34 ans, a été arrêté en mars dernier à Tripoli. Après avoir menacé de le traduire en justice, les autorités libyennes ont fini par céder aux suppliques – ou aux pressions ? – de plusieurs intermédiaires européens, américains et maghrébins, et l’ont libéré le 8 août.

Un épisode tout aussi rocambolesque que la vie de l’intéressé. Citoyen israélien, Hadad est né dans l’île de Djerba, en Tunisie. Il n’a que 1 an lorsque, en 1977, ses parents émigrent en Israël. Il grandit dans les environs de Jérusalem, où son père tient un commerce. Puis fait son service militaire en qualité d’inspecteur de police, dans les territoires occupés, en raison de sa connaissance de la langue arabe. Ses amis le décrivent comme un marginal. « Il est un peu simple d’esprit, confie un membre de la communauté juive de Djerba. Il faisait partie de ces groupes d’Israéliens qui viennent ici assister au pèlerinage annuel à la synagogue de la Ghriba. Il y a deux ou trois ans, grâce à son certificat de naissance, il a obtenu une carte d’identité et un passeport tunisiens. »

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C’est avec ce passeport qu’au mois de mars dernier il s’est facilement introduit en Libye, où le visa n’est pas exigé pour les Tunisiens. Son patronyme n’a pas attiré l’attention, étant indifféremment porté par juifs et musulmans.

Mais une fois sur place, Hadad n’est pas passé inaperçu. Car il travaillait pour Or Shalom, un centre d’histoire judaïque qui recense les vestiges architecturaux « abandonnés » par les juifs, en vue de réclamer des dédommagements au gouvernement libyen. Ce centre a déjà rémunéré des photographes pour qu’ils se rendent en Libye, où il est interdit de prendre des photos hors de la présence d’un guide ou d’un représentant des autorités. En général, les policiers se contentent d’inviter les contrevenants à ranger leurs appareils. C’est ainsi que Hadad a pu se rendre sans encombre à Benghazi et à Derna. Mais à Tripoli, son passeport fait tiquer le policier, qui s’étonne de son arabe hésitant. Il alerte les services spéciaux, qui s’aperçoivent qu’il est israélien. Par malchance, au même moment, les Émirats arabes unis découvrent que l’assassinat du dirigeant palestinien Mahmoud al-Mabhouh, perpétré sur leur sol en janvier, était l’œuvre d’agents du Mossad déguisés en touristes !

Sitôt l’arrestation de Hadad connue, les Israéliens sollicitent en secret plusieurs pays européens et ONG américaines. C’est finalement Martin Schlaff, un homme d’affaires juif autrichien, proche de Seif el-Islam Kadhafi, qui le ramène dans son jet jusqu’à Vienne. Là, il le confie à son ami Avigdor Lieberman, le ministre israélien des Affaires étrangères. Lequel le raccompagne à Tel-Aviv.

En échange, affirme Lieberman, Israël a autorisé un navire libyen qui tentait de briser le blocus de Gaza à faire parvenir sa cargaison humanitaire dans l’enclave palestinienne via un point de passage égyptien contrôlé par Israël. Un marché de dupes, puisque Kadhafi n’avait pas besoin de l’accord des Israéliens pour parvenir à ce résultat.

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De son côté, Seif el-Islam a révélé que l’échange incluait la libération par Israël de détenus palestiniens, et indiqué que Hadad n’était finalement pas un espion. Son passeport tunisien ne lui aurait toutefois pas été restitué.

Ouzifa Trabelsi, président de l’Association des amis de la Ghriba, confirme avoir été alerté par les parents de Hadad afin qu’il « plaide la cause » de leur fils auprès des gouvernements tunisien et libyen. « Je ne dis pas que j’ai obtenu sa libération, confie-t-il à J.A., mais j’y ai contribué. À l’invitation de son père, je serai à Jérusalem le 15 août pour fêter cet heureux dénouement. »

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