Guéguerre et paix

Accusations de racisme, incidents avec les Marocains de l’étranger en transit par l’Espagne : l’été a été chaud entre les deux voisins. Leurs souverains se sont téléphoné pour réaffirmer leurs bonnes relations, mais tout n’est pas réglé.

Manifestation devant l’ambassade d’Espagne à Rabat, le 7 août. © APA

Manifestation devant l’ambassade d’Espagne à Rabat, le 7 août. © APA

Publié le 27 août 2010 Lecture : 3 minutes.

On craignait le pire, voire un remake de la crise de l’été 2002, qui, à cause d’une querelle sur un îlot peuplé de chèvres nommé ici Leila (déformation de l’espagnol « la isla ») et là Perejil (« persil »), avait failli dégénérer en guerre ouverte entre l’Espagne et le Maroc. Mais, le 11 août, Juan Carlos a téléphoné à Mohammed VI pour lui dire que les « petits problèmes ne doivent pas altérer le climat excellent entre les deux pays ».

On peut s’en tenir à ce dénouement heureux et méditer sur le bon usage des monarchies, mais il n’est pas inutile d’évoquer les causes de la énième chamaillerie entre deux voisins dont les relations sont aujourd’hui par ailleurs effectivement « excellentes ».

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Comme chaque année, l’Espagne est envahie par les « Moros ». Ce ne sont pas des guerriers partis à la reconquête de l’Andalousie, mais de paisibles émigrés marocains sur le chemin des « facances » au pays. Que des incidents éclatent parmi les transhumants, qui dépassent le million d’âmes, n’a rien d’étonnant. Mais cet été, ils ont pris une tournure dramatique. Ils se sont produits aux postes frontières de Ceuta et Melilla, deux enclaves situées sur la rive sud de la Méditerranée et indûment occupées par l’Espagne aux yeux des Marocains. Et ont été provoqués par les interventions musclées de la Guardia civil. Un jour, ce sont des émigrés qui rentrent en Belgique dans leur voiture en arborant un drapeau marocain. Un autre jour, la cause des bisbilles est un sac en plastique contenant des sardines, en violation, estiment les policiers, des exigences d’hygiène… Un incident d’une tout autre ampleur suscite indignation et colère au Maroc. Cette fois, c’est un groupe de huit émigrants subsahariens (quatre Camerounais, un Gabonais, un Ghanéen, un Sénégalais et un Tchadien) qui se retrouve sur les côtes marocaines après avoir essayé de gagner en patera le rivage ibérique. Les Espagnols sont aussitôt accusés de les avoir « abandonnés dans un état critique ».

"Dérives racistes"

À Rabat, on ne laisse rien passer. Le chef de la diplomatie, Taïeb Fassi Fihri, qui avait déjà, début août, convoqué l’ambassadeur d’Espagne pour élever des protestations solennelles, publie communiqué sur communiqué et va jusqu’à dénoncer « les dérives racistes ». En écho, Ahmed Herzenni, le président du Conseil consultatif des droits de l’homme (CCDH), menace de « saisir les instances internationales qui peuvent obliger l’Espagne à respecter les conventions et les traités internationaux ». Des manifestations sont organisées devant le consulat espagnol à Nador et l’ambassade ibérique à Rabat.

La campagne d’indignation, massive, sincère et déterminée, fait penser à une autre démonstration du même ordre qui s’était déroulée en Espagne au moment de l’affaire Aminatou Haidar. On se souvient que, à la fin de l’année dernière, cette militante du Polisario refoulée du Maroc avait entamé une grève de la faim dans un aéroport espagnol en bénéficiant d’un large mouvement de sympathie. Un arrangement avait été finalement trouvé (grâce à Nicolas Sarkozy), et la Gandhi du désert a pu rentrer au Maroc. Lequel avait été, entre-temps, copieusement vilipendé. Ce qu’il n’a pas oublié.

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Réponse du berger à la bergère : le choix d’Ahmedou Ould Souilem, un haut responsable du Polisario rallié depuis peu, comme ambassadeur de Rabat à Madrid. Le gouvernement espagnol, qui s’essaie à une neutralité acrobatique dans le conflit du Sahara, est piégé. Il ne peut qu’accepter l’ambassadeur proposé, quitte à encourir les foudres de l’Algérie. Comme Madrid tarde à donner son agrément, le diplomate ne semble pas pressé de rejoindre son poste. Aujourd’hui, huit mois après le départ d’Omar Azziman, il n’y a plus d’ambassadeur du royaume chérifien à Madrid.

Au cours de la conversation téléphonique avec son royal homologue, Juan Carlos a pris soin de préciser que son pays est « pleinement disposé à clarifier ce qui doit l’être ». On se dira que ses efforts ont commencé à porter leurs fruits lorsqu’il accueillera Ould Souilem au Palais de la Zarzuela.

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