Vers une meilleure gouvernance humanitaire

Représentant régional Afrique de l’Ouest et Afrique centrale du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies, Hervé Ludovic de Lys décrypte les pratiques humanitaires en Afrique subsaharienne.

Des Soudanais attendent de recevoir de l’aide humanitaire, en 2009. © AFP

Des Soudanais attendent de recevoir de l’aide humanitaire, en 2009. © AFP

Publié le 19 août 2010 Lecture : 3 minutes.

Au cours des cinquante dernières années, l’Histoire a connu trois événements importants qui ont fondamentalement modifié les « règles d’engagement » de la communauté humanitaire en Afrique subsaharienne.

La guerre du Biafra (1967-1970) a largement contribué à l’émergence de l’action humanitaire non gouvernementale. La famine en Éthiopie (1984) a amené les acteurs de l’urgence à s’adapter aux nouvelles formes de vulnérabilité résultant de phénomènes environnementaux exogènes et de choix macro­économiques endogènes. Enfin, le génocide rwandais (1994) a clairement montré la nécessité pour la communauté internationale de s’investir plus activement en matière d’alerte précoce et de diplomatie préventive, et d’engager un dialogue plus structuré avec les acteurs chargés des affaires politiques, du maintien de la paix et de la protection des civils.

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Depuis lors, les nombreuses crises qui ont frappé le continent – conflits, catastrophes naturelles, épidémies – ont durablement affecté des millions de personnes. C’est le cas notamment des crises alimentaires à répétition au Sahel, qui fragilisent, voire réduisent à néant, des années d’efforts consentis au développement humain. Ainsi en Afrique de l’Ouest, zone qui bénéficie d’une reprise économique prometteuse et d’une stabilité relative, plus de 2 milliards de dollars ont été reçus dans le cadre des appels de fonds humanitaires des Nations unies sur la période 2004-2010. Et plus de 60 % de ces ressources ont été affectées à la sécurité alimentaire et à l’assistance nutritionnelle.

Désormais conscients du rôle crucial joué par l’assistance humanitaire dans la sécurité alimentaire, la satisfaction de la demande sociale, la réduction des vulnérabilités, la réponse aux catastrophes naturelles et la lutte contre les nouvelles menaces – le changement climatique, l’instabilité des marchés, les crises financières internationales –, les gouvernements africains s’évertuent à reprendre le contrôle de l’aide d’urgence en la plaçant progressivement au cœur de leurs dispositifs politiques, économiques et sécuritaires. À cet égard, l’émergence de « Monsieur Humanitaire » dans les équipes de certains chefs d’État africains ou la reconnaissance formelle de situations de crise par les gouvernements des pays affectés confirment cette détermination de l’État à exercer sa souveraineté, et sa volonté de canaliser l’aide internationale de court terme, qui est de plus en plus perçue comme un complément indispensable à l’aide au développement et un outil efficace de stabilité sociale et politique.

Cette tendance à l’implication directe des États dans la coordination de l’action d’urgence se confirmera dans les années à venir. Et les acteurs humanitaires devront s’adapter à l’émergence de crises localisées et aiguës, dans un contexte caractérisé par un environnement politico-économique national relativement stable et une capacité de l’État à exercer ses fonctions régaliennes.

Face à ce changement radical dans la gestion de l’aide d’urgence, les acteurs humanitaires et leurs partenaires étatiques devront passer d’une méfiance parfois quasi viscérale à une nouvelle forme de partenariat, qui permettra de réconcilier la souveraineté des États tout en améliorant leur aptitude à répondre aux droits fondamentaux de la personne humaine – éducation, santé, égalité hommes-femmes, alimentation, opportunités économiques –, et notamment à celui du droit international humanitaire.

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La communauté internationale et ses partenaires doivent donc se préparer aujourd’hui à franchir un saut conceptuel et opérationnel sans précédent. Celui-ci consistera – à l’instar des capacités africaines de maintien de la paix à promouvoir et soutenir la construction de capacités africaines (publiques et non étatiques) d’intervention humanitaire. Ce nouveau partenariat humanitaire pour l’Afrique permettra de répondre efficacement aux besoins humains les plus urgents, en s’appuyant sur une meilleure gouvernance humanitaire des États, et sur une société civile plus impliquée dans la réponse aux crises et dans la réduction des risques.

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