Le New Deal rural

Un an après sa création, le concept de « nouveaux villages agricoles » prend forme. Construit à 80 km de la capitale, le premier d’entre eux, Nkouo, est presque opérationnel. Reportage au cœur de ce New Deal rural.

Logements, terres, matériel, tout est mis à la disposition des exploitants. © MURIEL DEVEY

Logements, terres, matériel, tout est mis à la disposition des exploitants. © MURIEL DEVEY

Publié le 19 août 2010 Lecture : 5 minutes.

Congo, l’âge de raison
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Congo, l’âge de raison

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Impossible de le rater. Passé l’immense panneau qui l’annonce, le village ne manque pas de surprendre par sa structure plutôt atypique dans le paysage local. De part et d’autre d’une voie bien tracée se succèdent de petites maisons rectangulaires, derrière lesquelles ont été construits de vastes poulaillers. Au-delà s’étendent des champs de manioc.

Nous sommes à Nkouo, dans le département du Pool, à 80 km au nord de Brazzaville. C’est ici, en bordure de la RN2, qu’a été implanté le premier des « nouveaux villages agricoles ». S’il porte le nom d’un village téké voisin, dont on peut apercevoir les cases dans le lointain, il s’en démarque toutefois nettement. Par le style de ses maisons, mais, surtout, par les activités qu’il est appelé à générer et par le profil des agriculteurs qu’il va accueillir.

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Ce village pas comme les autres n’est ni une ferme d’État ni un kibboutz, mais un nouveau concept lancé par le gouvernement congolais pour relancer la production agricole et l’élevage, qui se sont effondrés à la suite des politiques d’ajustement structurel des années 1980 et des guerres de la décennie 1990. Sans compter le poids du pétrole dans l’économie du pays, qui a détourné plus d’un Congolais de l’agriculture.

« Avant 1980, nous étions autosuffisants et exportions même des bananes, de l’arachide rouge, de l’huile de palme et des mangues. Aujourd’hui, nous importons pour près de 100 milliards de F CFA [plus de 152 millions d’euros, NDLR] de produits alimentaires par an. Cette dépendance n’est plus possible, d’autant que nous avons beaucoup de terres arables inexploitées. En outre, il faut commencer à préparer l’après-pétrole », explique Rigobert Maboundou, le ministre de l’Agriculture et de l’Élevage.

Si les récents programmes lancés par le ministère avec l’appui de bailleurs de fonds, ainsi que les investissements réalisés par des fonctionnaires à la retraite ou des cadres congolais dans le maraîchage, la culture du palmier à huile ou la pisciculture, ont donné un petit coup de pouce à la production agricole, leur impact est limité. Et l’agriculture traditionnelle, qui utilise des techniques très rudimentaires et manque de bras, reste peu productive. Pas de quoi nourrir tous les Congolais, notamment ceux des villes.

Trois greniers pour Brazza

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C’est justement pour répondre aux besoins alimentaires des grands centres urbains que le projet des nouveaux villages agricoles a été conçu. Première ville concernée, Brazzaville. Son marché sera approvisionné en œufs, porcs et poulets de chair à partir de trois villages implantés au bord de la RN2 : Nkouo, quasi opérationnel, Odziba et Imbouva. Le projet s’étendra ensuite à d’autres départements.

Pas facile d’attirer les jeunes à la campagne et de les amener à investir dans l’agriculture et l’élevage alors que la plupart d’entre eux ne disposent d’aucun moyen financier. « Pour résoudre la question de l’installation, nous avons pensé qu’il fallait mettre à la disposition des jeunes des structures de production, du matériel et des terres, ce qui permet au passage de régler la question foncière, très compliquée chez nous. Pour régler celle de l’habitat, on leur fournit une maison, proche de l’exploitation. Enfin, dans sa dimension culturelle, le projet vise à redonner aux jeunes l’envie de faire de l’agriculture, qui est une activité plutôt dévalorisée », explique Rigobert Maboundou.

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Nkouo, le premier site, dont la vocation est d’alimenter en œufs le marché brazzavillois, a été choisi pour sa proximité avec la capitale « dans une zone où les terres sont disponibles. Son aménagement ne s’est donc pas accompagné d’expropriations, qui auraient posé des problèmes », assure Jean-Jacques Bouya, le responsable de la Délégation générale des grands travaux (DGGT), maître d’ouvrage du projet.

Les premiers fermiers sont installés.

© Muriel Devey

Plus de candidats que d’élus

Conçu pour abriter 40 familles d’exploitants, dont des agriculteurs du village voisin (pour éviter de creuser un fossé entre les deux localités), et une dizaine de familles chargées des services (administratifs, vétérinaires, infirmiers et formateurs), Nkouo comprendra 50 villas (des F4), 40 poulaillers ultramodernes, dotés chacun de 760 pondeuses, une école et un centre de santé, auxquels pourront accéder les habitants des villages environnants.

En attendant que Nkouo soit alimenté par l’électricité de la centrale hydroélectrique d’Imboulou, un groupe électrogène y a été installé. Un château d’eau et un bâtiment de stockage des produits, intégrant une chambre froide, y ont également été aménagés. Chaque famille dispose en outre d’un terrain de 2 ha sur lequel elle peut produire ce qu’elle veut.

Outre leur vocation économique, ces villages de demain seront aussi des lieux de brassage, car leurs habitants viendront de régions et d’horizons différents.

Réalisée par un comité composé de représentants du ministère du Plan et de celui de l’Agriculture et de l’Élevage, de la DGGT, de l’université, et d’un psychologue, la sélection des exploitants se fait sur une base très rigoureuse. Conditions exigées : être en couple, n’avoir pas plus de trois enfants, être âgé de 20 ans à 45 ans, avoir un diplôme agricole ou une expérience prouvée dans l’agriculture. Preuve de l’intérêt suscité, les candidats se sont bousculés au portillon : plus d’une centaine lors de la première campagne de recrutement et quelque 200 lors de la deuxième.

Chaque candidat retenu est briefé. « On leur fait comprendre qu’ils n’auront pas de salaire. Le niveau des revenus, que les familles tireront de la production d’environ 200 000 œufs par an et des cultures produites sur leur lopin de terre, dépendra du travail qu’elles fourniront et de la manière dont elles géreront leur exploitation. Nous voulons aussi éviter que le village devienne un simple lieu d’habitation », informe Bouya.

Derrière chaque maison, un poulailler de plus de 700 pondeuses.

© Muriel Devey

Résultats exigés

Si l’État finance le projet – quelque 13 milliards de F CFA pour la réalisation des travaux des trois villages confiés à la Société congolaise de modernisation (Socomod), une filiale de la société israélienne LR –, pas question de gratuité et résultats exigés. Ainsi chaque famille sélectionnée signera un contrat d’un an, renouvelable une fois. C’est à la source, sur les revenus tirés de la vente des œufs à un comité qui sera chargé de leur commercialisation, que sera prélevée, mensuellement, une somme d’argent destinée à payer la location de la maison et du poulailler. Au terme des deux ans, les familles qui auront satisfait aux conditions pourront alors devenir propriétaires de leur exploitation. Le remboursement, étalé sur plusieurs années, sera également fait à partir des revenus générés par la vente de la production.

Pour réaliser les maisons, Socomod a installé une unité de fabrication de modules en béton prêts à poser, à Kintélé, à mi-chemin entre Nkouo et Brazzaville, dont la production servira aussi à la réalisation des 1 000 logements que l’État congolais fait construire à Kintélé, également par une société israélienne, AB Construction.

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