Un anniversaire mais pas de cadeau
Aucun répit pour Boni Yayi à l’heure des festivités du cinquantenaire de l’indépendance. Des députés veulent que le président comparaisse devant la justice pour ses liens supposés avec les « Madoff béninois ».
Si Boni Yayi espérait une trêve pour la célébration du cinquantenaire de l’indépendance, le 1er août, il en fut pour ses frais. La veille, des députés de tous bords ont annoncé leur intention de déposer une motion de défiance contre le chef de l’État, qu’ils accusent de complicité dans l’affaire des « Madoff béninois » et qu’ils souhaitent voir traduit devant la Haute Cour de justice. Dans les tribunes officielles qui longeaient l’itinéraire du défilé à Porto-Novo, les sourires à peine courtois et les poignées de mains heurtées entre opposition et camp présidentiel témoignaient du malaise. Le ton était donné. Les festivités pouvaient commencer.
Le 16 juillet déjà, Adrien Houngbédji, candidat de l’opposition pour la présidentielle de 2011, dénonçait la lenteur avec laquelle les autorités s’étaient emparées du sujet et exigeait que le président rembourse « de sa poche » les épargnants floués par une dizaine de sociétés de placement, dont ICC Services. Deux semaines plus tard, ce sont donc les députés qui ont pris le relais. « Nous voulons que la vérité soit faite, et elle le sera », martèle Janvier Yahouédéou, l’un des instigateurs de la motion. Il affirme avoir déjà réuni 48 signatures sur les 56 nécessaires. Cependant, rien ne dit que l’entreprise aboutira : le président de l’Assemblée nationale, seul habilité à trancher sur d’éventuelles poursuites, appartient à la mouvance présidentielle. La procédure sera longue et hasardeuse.
Récupération
Du côté du Palais de la Marina, on s’offusque de cette « récupération ». « C’est indigne d’hommes politiques responsables », lâche Marcel de Souza, conseiller aux affaires financières de Boni Yayi. « Si le président ne voulait pas que la vérité soit faite, il n’aurait pas lui-même demander une enquête », oppose-t-il, fustigeant les calomnies et les ragots sur lesquels se fondent, selon lui, les élus frondeurs.
Cependant, bien plus que les députés, ce sont les Béninois qui s’interrogent sur le temps de réaction de la présidence. Presque quatre ans se sont écoulés entre la création de la première société de placement, en 2006, et les premières investigations judiciaires. Les autorités se défendent de toute négligence, arguant que les escroqueries se sont d’abord produites dans le cercle très fermé des christianistes célestes, groupe religieux très implanté au Bénin. Le conseiller souligne aussi la volonté du président de mettre hors d’état de nuire les escrocs présumés et leurs supposés complices : outre les dirigeants d’ICC Services, l’ancien ministre de l’Intérieur Armand Zinzindohoué, le procureur général de la cour d’appel de Cotonou, Georges Constant Amoussou, et un cousin du chef de l’État ont été auditionnés. « Ça, c’est en attendant d’identifier tous les responsables », explique Marcel de Souza. Pendant ce temps, des biens acquis grâce à l’escroquerie ont déjà été saisis, et la commission d’enquête judiciaire « invite » toutes les personnes qui en ont en leur possession à venir les rendre spontanément, sous peine de poursuites.
En attendant de connaître la fin du feuilleton « ICC Services et consorts », comme ils l’appellent avec une pointe de sarcasme, les Béninois semblaient très éloignés des joutes politiques. « Tout ce que les gens veulent, c’est leur argent. Le reste, c’est de la politique », confiait Adama, un étudiant venu assister aux célébrations du 1er août. « Quelles que soient nos opinions, on est là pour fêter notre pays », renchérissait un de ses amis, qui arborait fièrement une chemise coupée dans le pagne du cinquantenaire, édition spéciale l’Union fait la nation (Un). Il n’était pas le seul : dans la foule se pressaient autant de pagnes de la coalition d’opposition que de tee-shirts « Tous derrière Boni Yayi ».
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