Petit précis de diplomatie ougandaise

Incontournable dans la région, Yoweri Museveni tente de préserver la stabilité de son pays et la bienveillance des bailleurs de fonds. Rapide revue des relations du chef de l’État avec ses voisins, proches ou lointains.

En avril 2003, au Cap : J. Kabila, Y. Museveni, T. Mbeki, B. Mkapa, P. Kagamé. © Reuters

En avril 2003, au Cap : J. Kabila, Y. Museveni, T. Mbeki, B. Mkapa, P. Kagamé. © Reuters

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Publié le 17 août 2010 Lecture : 3 minutes.

Yoweri Museveni l’inusable
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Yoweri Museveni l’inusable

Sommaire

• Rwanda un voisinage cordial

Le président rwandais Paul Kagamé a servi dans l’armée ougandaise avant d’utiliser le pays de Museveni, qui venait d’arriver au pouvoir, comme base pour lancer sa rébellion contre le régime de Juvénal Habyarimana à la fin des années 1980, puis en 1994. Quoi de plus naturel, donc, que, pendant de nombreuses années, « Yoweri » et « Paul » se soient si bien entendus ? Les liens se sont tendus, au début des années 2000, après que les deux armées, qui venaient d’entrer en RD Congo, se furent disputé le contrôle des richesses congolaises. Kagamé a ensuite reproché – non sans raison – à Museveni d’héberger des dissidents du Front patriotique rwandais (FPR) sur son sol. Les deux hommes parviennent tout de même à garder officiellement de bonnes relations.

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• RD Congo des relations tendues

Avec le géant congolais, c’est une autre paire de manches. Renversement du régime de Mobutu, tentative de déstabilisation de Laurent-Désiré Kabila, conflits frontaliers, hébergement des rébellions, pillage des richesses : les relations diplomatiques entre la RD Congo et l’Ouganda n’ont été rétablies qu’en 2008. La découverte de pétrole dans les eaux du lac Albert, qu’ils se partagent, amène Joseph Kabila et Yoweri Museveni à tenter de s’entendre pour assurer une stabilité dans la région et tirer le meilleur de l’or noir. Le président ougandais était présent à Kinshasa en juin pour célébrer les 50 ans de l’indépendance de son voisin.

• Soudan l’ennemi historique

Si la guerre n’est pas déclarée, elle est larvée depuis la fin des années 1980. Kampala soutenait alors l’Armée de libération du Sud-Soudan (SPLA) de John Garang, vieil ami de Museveni, tandis que Khartoum armait et finançait l’Armée de résistance du Seigneur (LRA). Pour Museveni, le Soudan, c’est la menace. Ainsi s’en prend-il directement à son homologue, Omar el-Béchir, qu’il préférerait largement voir à La Haye que toujours en fonction à Khartoum (voir p. 24).

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• Bailleurs de fonds une bienveillance de circonstance

De marxiste, il est devenu un libéral célébrant l’entreprise privée. Il se bat contre le sida, pour les femmes. Museveni a tout pour plaire à l’Occident. En 1998, son pays est ainsi le premier à être éligible à l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE). On le surnomme même le « deuxième Mandela ». Jusqu’à ce que son armée pille les ressources congolaises et qu’il se mette à tripatouiller la Constitution pour se maintenir au pouvoir. Des remontrances se font entendre de la part des institutions internationales. Royaume-Uni, Irlande, Norvège et Suède suspendent leur aide. Alors ambassadeur américain à Kampala, Johnnie Carson a les mots les plus durs en 2005 : « L’Ouganda, c’est un Zimbabwe en devenir. »

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Mais, en se posant comme un combattant féroce du terrorisme, en envoyant des troupes à la première force de maintien de la paix de l’Union africaine (Amisom, en Somalie), Museveni se rachète la bienveillance de la communauté internationale. Lors de leur visite à Kampala, à la fin de juillet, les Américains n’ont cessé de louer « l’ami ougandais »…

Avec son épouse, Janet, et Bill Clinton en mars 1998 à Kampala. Les relations avec les États-Unis sont alors au beau fixe. (Reuters)

• Organisations internationales Hub de la diplomatie

Hôte de nombreuses réunions multilatérales ces dernières années, Museveni tente de faire de Kampala un hub de la diplomatie. En 2007, les pays du Commonwealth se retrouvaient dans l’« Africa’s Pearl », chère aux Anglais. Il y a deux semaines, l’Union africaine (UA) organisait son sommet à Kampala. Entre-temps, en juin, la première Conférence de révision du statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) s’était également tenue dans la capitale. Petit pied de nez de Museveni, l’un des seuls chefs d’État africains à se ranger du côté de la CPI dans les poursuites judiciaires contre Omar el-Béchir. Une position qui s’explique largement par l’inimitié historique entre l’homme fort de Khartoum et celui de Kampala, et par les poursuites également lancées par le procureur contre son ennemi de toujours, Joseph Kony.

Au sein de l’UA, Museveni a néanmoins acquis ses lettres de noblesse en s’opposant frontalement au projet des États-Unis d’Afrique de Mouammar Kadhafi. Qui, en représailles, aurait prêté main-forte à Ronald Mutebi II, roi des Bagandas, qui a fait descendre, en septembre 2009, des milliers d’Ougandais dans la rue contre la politique de Museveni.

Un match organisé au stade Mandela à Kampala, le 30 mai, en l’honneur des victimes de guerre et de crimes contre l’humanité. A droite, Ban Ki-moon. (AFP)

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