Naomi Campbell, des podiums au prétoire
Liberia : Charles Taylor, itinéraire d’un tueur
Plongée dans la vie et les œuvres de Charles Taylor à travers toute une série d’articles d’époque issus des archives de Jeune Afrique.
Elle ne voulait pas y aller. Charles Taylor, lui non plus, ne tenait pas à ce qu’elle parle. Pourtant, le 5 août à La Haye, les déclarations de Naomi Campbell devant le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL) n’ont pas été très éclairantes. En racontant comment, le 27 septembre 1997, après un dîner chez Nelson Mandela, elle avait reçu des diamants censés provenir de l’ancien président du Liberia, elle a davantage aidé ce dernier que ses accusateurs.
Très belle dans sa robe crème ajustée mais manifestement angoissée, Naomi Campbell (40 ans) arrive en retard à l’audience. Presque deux heures plus tard, l’accusation, qui comptait utiliser son témoignage pour prouver que Taylor achetait des armes contre des diamants pour soutenir les rebelles sierra-léonais du Front révolutionnaire uni (RUF) entre 1996 et 2002, avait quelques raisons d’être déçue.
Commençant à répondre avant la fin des questions et demandant parfois qu’on les lui répète, Naomi Campbell réitère sa version des faits : « J’étais épuisée et je suis habituée aux cadeaux. Quand, cette nuit-là, deux hommes m’ont apporté une petite bourse, je n’ai pas demandé qui me l’offrait. » Le lien entre les diamants et Taylor n’est alors pas établi. Naomi est décidément bien naïve. « Je n’ai pas compris que ces petites pierres sales étaient des diamants, avoue-t-elle. Pour moi, un diamant brille et est offert dans un écrin. » Elle affirme également n’avoir « jamais entendu parler du Liberia » avant le dîner chez Mandela, ignorer complètement l’existence des « diamants du sang » et avoir « appris sur internet que Charles Taylor avait tué des milliers de gens ».
Ces déclarations ne servent pas l’accusation, mais l’audition en appelle d’autres. Le 9 août devaient témoigner l’actrice américaine Mia Farrow et l’ex-agent de la top-modèle, Carole White, à qui, au cours d’un petit-déjeuner, le mannequin a tout raconté. Leurs versions contredisant celle de Campbell, l’avocat de Taylor s’est empressé de soulever une nouvelle hypothèse : White, qui a lancé en novembre 2009 une procédure judiciaire contre Campbell pour rupture de contrat, n’a-t-elle pas tout simplement intérêt à incriminer son ancienne patronne ?
D’où viennent les diamants ?
Le 6 août, coup de théâtre : la police sud-africaine fait savoir qu’elle est en possession des diamants. La veille, Naomi Campbell avait déclaré les avoir remis, dès le lendemain du fameux dîner, à un ami qui travaillait au Fonds Mandela pour l’enfance. Mais l’institution n’en a jamais vu la couleur. Et pour cause. L’ami, Jeremy Ratcliffe, aurait préféré les garder pour ne pas impliquer le fonds dans d’éventuelles activités illégales, et a fini par les remettre à la police. L’examen des pierres pourrait déterminer leur origine. Si elles proviennent de Sierra Leone, le lien avec Taylor ne serait pas prouvé pour autant, mais l’étau se resserrerait autour de l’ancien chef de guerre.
Après Naomi Campbell, Issa Sesay a lui aussi témoigné à La Haye. Condamné par le TSSL en 2009 et témoin clé de la défense, l’ancien rebelle s’est efforcé de disculper Charles Taylor d’une partie des onze chefs d’inculpation pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité qui pèsent sur lui. Il a affirmé n’avoir jamais donné de diamants à Taylor. Ni vu les autres chefs rebelles le faire.
Les rebondissements autour des diamants de Naomi auront-ils servi l’accusation, qui a fait citer 91 témoins – victimes de la guerre civile ou experts du marché diamantaire ? Le jugement ne devrait pas être prononcé avant l’été 2011.
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