« Yes, youth can! »

Pour le cinquantième anniversaire des indépendances, Barack Obama a reçu à la Maison Blanche cent quinze jeunes leaders africains. Une manière de signifier que, pour faire avancer le continent, il compte avant tout sur la société civile.

Dans l’East Room de la Maison Blanche, le 3 août. © Jewel Samad/AFP

Dans l’East Room de la Maison Blanche, le 3 août. © Jewel Samad/AFP

Publié le 12 août 2010 Lecture : 4 minutes.

Ce n’était qu’une illusion. Pendant quelques secondes, on a pu croire que l’homme assis derrière Barack Obama n’était autre que Joseph Kabila. Mais le président congolais n’était pas invité, ce 3 août, à la Maison Blanche. D’ailleurs, aucun chef d’État africain ne l’était. Comme il s’y exerce depuis sa prise de fonctions, en janvier 2009, le président américain les a tout simplement snobés. En dix-huit mois, il ne s’est rendu que dans un seul pays du continent : le Ghana, en juillet 2009. Il n’a reçu à la Maison Blanche que quatre présidents et un Premier ministre africains et n’a toujours pas posé le pied sur la terre de ses ancêtres, le Kenya.

Fidèle à cette ligne de conduite, il n’était pas question pour Obama d’imiter Nicolas Sarkozy, qui avait fait le choix, pour célébrer le demi-siècle d’indépendance des ex-colonies françaises, d’inviter leurs actuels dirigeants à assister à ses côtés au défilé du 14 Juillet, à Paris. Obama, lui, en guise de fête d’anniversaire, a préféré s’entourer d’une relève venue de tout le continent. À Faure Gnassingbé, il a préféré Dédé Woamédé, une militante togolaise des droits de l’homme. À Paul Biya, l’écologiste camerounaise Marie Tamoifo. Ou à Amadou Toumani Touré, la présidente de l’association Ada Mali, Fatoumata Sangho. Des jeunes – journalistes, militants des droits de l’homme, entrepreneurs –, pour certains inconnus, même dans leur pays, mais que les ambassades américaines avaient repérés. Comme l’a fait remarquer l’un d’eux à la sortie de la Maison Blanche : « On a fait des milliers de kilomètres pour rencontrer le président des États-Unis, alors que beaucoup d’entre nous n’ont encore jamais rencontré leur propre président. »

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Le message est clair. Obama ne compte pas sur les absents pour faire évoluer le continent dans la voie de la « démocratie » et de la « bonne gouvernance ». Il l’a explicitement déclaré à ses 115 invités, venus de 46 pays : « Vous représentez une vision différente, une vision de l’Afrique dynamique. […] C’est à vous, jeunes pétris de talent et d’imagination, qu’incombera la tâche de construire l’Afrique au cours des cinquante prochaines années. »

À boulets rouges

Très à l’aise dans le rôle d’animateur de débat, debout au milieu d’une foule de jeunes sur leur trente-et-un, le président américain a répété, comme à Accra en 2009, que le développement ne va pas sans bonne gouvernance et que les institutions doivent être plus fortes que les hommes. Il a fait le lien entre business et politique, tiré à boulets rouges sur les « anciens », au premier rang desquels Robert Mugabe, et, en somme, soldé le passé : au XXIe siècle, a-t-il dit, « ce ne sont pas des géants comme Nkrumah et Kenyatta qui détermineront l’avenir de l’Afrique ; ce sont les jeunes ». Cinquante ans d’indépendance ? Voilà le bilan qu’en tire Obama : « Dans les années 1960, quand vos grands-parents ont arraché l’indépendance, les premiers dirigeants se sont tous déclarés en faveur de la démocratie. Mais ce qui a fini par arriver, c’est qu’après avoir été au pouvoir pendant un certain temps, certains se sont dit : “Je suis un si bon dirigeant qu’il est dans l’intérêt du peuple que je reste à mon poste.” Et ils ont commencé à modifier les lois, à faire pression sur leurs opposants ou à les mettre en prison. Et c’est ainsi que des jeunes gens pleins d’espoirs et d’avenir ont fini par devenir exactement le contraire de ce pour quoi ils se sont battus. » Pas sûr qu’en lisant ces propos certains grands absents aient regretté de ne pas avoir été invités !

« Le président a profité du cinquantième anniversaire des indépendances pour continuer à délivrer son message d’Accra », indique un diplomate américain. Un débat interne à l’administration aurait, dit-on, opposé les partisans de la stratégie présidentielle à ceux qui, soucieux de ne froisser personne, auraient préféré un sommet de plus haut niveau. Mais Obama a eu le dernier mot. « C’est lui qui impulse cette dynamique, il maîtrise suffisamment les questions africaines », assure Chris Fomunyoh, chargé de l’Afrique au sein du National Democratic Institute, une ONG proche du Parti démocrate.

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Après son discours, Obama a répondu en toute décontraction aux questions des invités – sur la bonne gouvernance, le sida, les réelles intentions américaines… Beaucoup d’entre eux ont apprécié sa « franchise ».

Pour Fomunyoh, ce forum marque un tournant historique : « C’est la première fois que des jeunes Africains sont reçus en groupe à la Maison Blanche. Je ne serais pas surpris de voir ce type d’initiative réédité à l’avenir. »

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L’objectif est évidemment de promouvoir la politique d’Obama en matière de coopération, mais aussi d’aider à « constituer entre jeunes leaders américains et africains des réseaux qui conduiront à l’instauration de partenariats durables ». Et, pourquoi pas, à se mettre « dans la poche » des hommes et des femmes que Fomunyoh ne serait pas étonné de retrouver, dans quelques années, à la tête de partis politiques, voire de pays. « Nous sommes à la recherche de dirigeants qui savent que le fait de donner plus de pouvoir aux citoyens est dans l’intérêt de tous », a commenté Hillary Clinton. Avis aux amateurs : les États-Unis recrutent.

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