Choc Finger ou Goldfinger ?
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Alain Faujas
Alain Faujas est spécialisé en macro-économie.
Publié le 11 août 2010 Lecture : 2 minutes.
Main basse sur le cacao
En misant 1 milliard de dollars sur le cacao, Anthony Ward est-il le joueur fin connaisseur du marché, le « Choc Finger » que décrivent ses amis ? Ou bien doit-on le ranger dans la catégorie des vils spéculateurs, une sorte de Goldfinger sans foi ni loi – référence au « méchant » des films de James Bond –, tel que le dépeignent les chocolatiers ? Le débat est lancé.
Son pari est-il légal ? Oui, aucun règlement du Liffe, le marché londonien, n’interdisait à Anthony Ward d’acquérir discrètement des contrats à terme sur le cacao, depuis des mois. Il est vrai que cela ne lui aurait pas été possible à New York, où les autorités du marché sont plus sévères en termes de transparence et de risques pris par les investisseurs.
À Londres, autorités de régulation de marchés, traders, analystes et journalistes jugent que « Choc Finger » a bien joué en rachetant des fèves qu’il revendra avec un beau bénéfice si la pénurie fait monter les prix pour cause de mauvaise récolte et/ou de troubles politiques en Côte d’Ivoire.
Son pari est-il dangereux ? Pour les consommateurs, les dégâts seront minimes, car le cacao ne pèse que 10 % dans le prix de la tablette de chocolat. Pour les chocolatiers, il en sera autrement : eux qui se tournaient vers le marché à terme pour se prémunir contre une hausse des prix de la fève sont soit à la merci des mouvements erratiques des prix dus à la volatilité des marchés perturbés par Ward, soit à la merci des exigences de celui-ci. Les mastodontes comme Barry Callebaut ou Nestlé vont devoir payer.
Son pari est-il utile ? Il peut l’être, car les planteurs ivoiriens pourraient profiter de la hausse de leurs prix bord champ. Ils seront incités à mieux entretenir leurs plantations, qu’ils ont tendance à délaisser en raison de leur faible rémunération – ils perçoivent seulement 40 % du prix mondial du cacao, quand leurs confrères ghanéens en touchent habituellement 80 %.
Demeure le danger de la volatilité. Si les marchés se retournaient, comme cela se produit souvent en cas de hausse trop rapide, les planteurs seraient sans protection face à un effondrement des prix, les structures de régulation et de compensation ayant été démantelées, sauf au Ghana.
Son pari est-il immoral ? Comme toute spéculation. Celle-ci ne crée rien et prélève sans contrepartie des sommes disproportionnées sur un petit marché (3,5 millions de tonnes par an) comme celui du cacao. Anthony Ward a de bonnes chances d’empocher des dizaines, voire des centaines de millions de dollars, un gain scandaleusement astronomique au regard de la pauvreté de nombreux planteurs africains qui triment dur pour quelques poignées de francs CFA.
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