Bongo l’arbitre

L’ancien président avait su s’affranchir de la tutelle de Paris pour se poser en démineur des crises africaines. Sa méthode : un mélange unique de gouaille et d’autorité, avec l’argent pour achever de convaincre.

Georges Pompidou et Omar Bongo, alors vice-président du Gabon, en 1967 à l’Élysée. © AFP

Georges Pompidou et Omar Bongo, alors vice-président du Gabon, en 1967 à l’Élysée. © AFP

Christophe Boisbouvier

Publié le 11 août 2010 Lecture : 3 minutes.

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On imagine Omar Bongo en éternel vieux sage prononçant le jugement de Salomon en toute circonstance. Mais le jeune chef d’État des années 1960 était tout le contraire. En 1968, il prit une part active à l’action clandestine des Français et des Ivoiriens en faveur de la sécession du Biafra. Plus tard, au tournant des années 1980, il soutint longtemps les sudistes tchadiens du général Kamougué contre les nouveaux maîtres nordistes de N’Djamena.

« Bongo l’arbitre » n’est apparu que le jour où il a commencé à s’affranchir de la tutelle française et du magistère de Jacques Foccart. Avec François Mitterrand puis Jacques Chirac, le président gabonais a instauré, sinon une relation d’égal à égal, du moins un partenariat gagnant-gagnant. Dans les crises à répétition du Tchad, de la Centrafrique et du Congo, il a convaincu les Français qu’ils avaient tout intérêt à se cacher derrière sa médiation d’Africain.

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Un partage des tâches s’est alors instauré. À la France, le rôle de gendarme. Au Gabon, celui de démineur. Dans le Tchad des années 1987-1988, tandis que Mitterrand aidait militairement Hissène Habré à chasser les Libyens du Nord, Bongo négociait avec lui le retour d’exil de Kamougué. Même combinaison dans la Centrafrique de 1996. Pendant que Chirac ordonnait à ses soldats de faire barrage aux mutins, Bongo débarquait à Bangui pour tenter de réconcilier Ange-Félix Patassé et les insurgés.

Ce soir de décembre 1996, Bongo « l’apôtre de la paix » donne toute sa mesure : il reçoit les officiers mutins à la résidence de l’ambassadeur de France, sur les rives du fleuve Oubangui. Le ton monte. Un mutin lui « parle mal ». Bongo : « Mais toi, là, tu sais à qui tu parles ? » Aussitôt, l’officier se jette à genoux devant le président et lui demande pardon. Bongo, grand seigneur : « Allez, relève-toi. » Dès cet instant, la partie est gagnée. Les mutins rentrent dans le rang.

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Le secret de la méthode Bongo tenait beaucoup à ce mélange de gouaille et d’autorité. Bien sûr, la marque Bongo, c’était d’abord la patience et l’argent. Quel opposant n’est pas allé chercher son enveloppe au Palais du bord de mer ? Mais chez Bongo, il y avait un plus : la convivialité. Pour des centaines d’amis africains et français, Bongo faisait partie de la famille.

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Sa générosité était telle que ses voisins ne pouvaient lui refuser un service. Un jour de février 2004, François Bozizé reçoit un coup de fil. À Haïti, le père Aristide vient d’être renversé. George Bush et Jacques Chirac lui cherchent un point de chute. Ils s’adressent à « l’ami Omar », qui appelle aussitôt son « frère » de Bangui. Celui-ci maugrée, mais accepte. Omar Bongo Ondimba, c’était le parrain qui réglait les affaires difficiles avec un carnet d’adresses exceptionnel.

Les limites de la méthode Bongo ? Celles d’un pays de petite taille qui n’a jamais eu les moyens de peser militairement sur les conflits d’Afrique centrale. En septembre 1997, en pleine bataille de Brazzaville, le doyen tente en vain de réunir Pascal Lissouba et Denis Sassou Nguesso à Libreville. Un mois plus tard, c’est l’Angola et le Tchad qui aident Sassou à porter l’estocade. De 1996 à 2003, Omar Bongo se penche avec une infinie patience sur les crises à répétition qui ensanglantent la Centrafrique. Mais en mars 2003, c’est encore le Tchad qui a le dernier mot en aidant François Bozizé à renverser Patassé.

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Pourtant, le 8 décembre 2008, au premier jour du Dialogue politique inclusif, qui rassemble tous les Centrafricains, c’est le doyen qui ouvre les travaux. Le « Vieux » est déjà très malade, mais pour rien au monde il n’aurait manqué la réconciliation de ses « petits », comme il disait.

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