Entre-deux tours sous tension

Impatience et inquiétude, à Conakry, avant le second round de la présidentielle. L’attente alimente les rumeurs les plus folles, tandis que les négociations continuent. Très courtisé, l’ancien Premier ministre Sidya Touré a finalement rallié Cellou Dalein Diallo, arrivé en tête le 27 juin. Reportage.

Supporteurs d’Alpha Condé, avant la proclamation des résultats du premier tour. © Reuters

Supporteurs d’Alpha Condé, avant la proclamation des résultats du premier tour. © Reuters

cecile sow

Publié le 2 août 2010 Lecture : 4 minutes.

Le 29 juillet, soit plus d’une semaine après la proclamation des résultats définitifs du premier tour du scrutin, les Guinéens, à la fois impatients et inquiets, attendaient toujours l’annonce de la date de la seconde manche. Même la signature, la veille, d’un accord entre Cellou Dalein Diallo, candidat de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), arrivé en tête avec 43 % des suffrages, et Sidya Touré (13 %), l’ancien Premier ministre présenté par l’Union des forces républicaines (UFR), ne les a pas totalement rassurés. Pour Cellou Dalein Diallo, la prise est pourtant belle. Sidya Touré partage, comme lui, une vision libérale de l’économie. Il a fait le plein des voix en Basse-Guinée, dans une région où se trouve la capitale, Conakry, et faisait l’objet de toutes les convoitises. Une position dont il a su profiter pour obtenir la primature, plusieurs ministères et la présidence du Conseil économique et social et de la Cour des comptes.

« Pourrir le climat »

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À Conakry, beaucoup veulent voir dans ce ralliement un signe que le processus suit son cours, mais les interrogations sont nombreuses. « On se demande bien pourquoi ça traîne autant du côté de la Commission électorale et du gouvernement », regrette Rama, une étudiante qui a voté dans la commune de Ratoma, l’une des cinq circonscriptions où les résultats ont été invalidés par la Cour suprême. Et l’attente alimente les rumeurs les plus folles. « Chaque jour, de nouveaux bruits circulent, faisant croire par exemple que tous les couteaux de la ville ont été achetés par des gens prêts à passer à l’attaque si les résultats du second tour ne sont pas en faveur de leur candidat », s’alarme un représentant d’une institution étrangère. « Avec l’élection du 27 juin, les Guinéens ont, dans leur grande majorité, prouvé qu’ils étaient capables de voter dans le calme et d’accepter les résultats. Mais les partisans d’un report de plusieurs semaines, voire de plusieurs mois, jouent avec la paix sociale à des fins personnelles. Ce sont eux qui diffusent ce type d’informations pour pourrir le climat et retarder le processus », analyse cette source sous le couvert de l’anonymat.

Pourtant, tout le monde ne s’inquiète pas à la perspective d’un duel entre le Peul Cellou Dalein Diallo et le Malinké Alpha Condé (Rassemblement du peuple de Guinée, RPG), compte tenu de leur maturité et de leur engagement pour leur pays. Ni les observateurs du jeu politique guinéen, ni même plusieurs des membres du gouvernement de Jean-Marie Doré. Mais le Premier ministre est soupçonné­ d’­élaborer des scénarios catastrophe dans le seul but de rester en poste le plus longtemps possible. Accusations qu’il rejette, évidemment, sans pour autant convaincre.

Deux jours avant l’annonce des résultats définitifs, il avait en effet publiquement dénoncé la présence « d’éléments incontrôlés qui, pour des raisons qui leur sont propres, […] se réunissent clandestinement pour se former, s’entraîner et profiter des manifestations publiques afin de provoquer des désordres et tenter de déstabiliser le processus en cours », tandis que plusieurs sources faisaient état d’arrestations au sein de l’armée. Dans un pays aussi fragile que la Guinée, qui tente pour la première fois de son histoire de faire son entrée dans le cercle des démocraties, ces propos ne sont pas de nature à apaiser les esprits. Surtout quand l’existence de « complots » est confirmée par le général Ibrahima Baldé, commandant de la Force spéciale de sécurisation du processus électoral (Fossepel). Jean-Marie Doré a également, et à plusieurs reprises, remis en question les compétences de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), et donc la validité des résultats.

Garantir la régularité

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Malgré les irrégularités observées lors du premier tour, nombre d’observateurs nationaux et internationaux considèrent pourtant que l’élection s’est bien déroulée. « Même si les chiffres auraient pu varier un peu, l’ordre d’arrivée ne pouvait en aucun cas changer », analyse un diplomate, qui souhaite que cessent les rumeurs alarmistes et que des mesures soient prises pour garantir la régularité du second tour. Sur ce dernier point au moins, tout le monde est d’accord : les candidats Cellou Dalein Diallo et Alpha Condé, les électeurs et toutes les parties associées, de près ou de loin, au processus électoral.

À la mi-juillet, une commission a d’ailleurs été mise sur pied à l’initiative du Conseil national de transition (CNT), présidé par la syndicaliste Rabiatou Sérah Diallo, avec la bénédiction du chef du gouvernement de transition. D’abord décriée par l’UFDG et le RPG, cette commission composée d’une vingtaine de membres, parmi lesquels des représentants de la Ceni et du ministère de l’Administration du territoire et des Affaires politiques, a finalement été acceptée. Les réunions ayant traîné en longueur, on lui reproche néanmoins d’être à l’origine du retard pris par la Ceni dans l’annonce de la date du second tour. À la Ceni, on s’estime victime d’une campagne de dénigrement, et l’on rappelle que la date du 14 août a été proposée. Selon Thierno Seydou Bayo, chef du département information, sensibilisation et communication, tout est maintenant prêt : « Nous avons pris des dispositions pour recruter 45 000 agents, au lieu de 40 000 lors du premier tour, pour veiller au bon déroulement des opérations dans les 9 000 bureaux de vote à travers le pays », indique-t-il. Les bailleurs, eux, s’interrogent sur le budget nécessaire à l’organisation de la seconde manche, passé de 3 millions de dollars (2,3 millions d’euros) à 12 millions, puis redescendu à 6 millions. Une chose est sûre : il sera important. Rien que l’acquisition de nouveau matériel électoral coûte près de 400 000 dollars. Après le premier tour, urnes, lampes et rideaux se sont en effet volatilisés.

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