Les femmes et les enfants en dernier !
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François Soudan
Directeur de la rédaction de Jeune Afrique.
Publié le 2 août 2010 Lecture : 2 minutes.
S’il est une chose dont beaucoup de nos chefs ont horreur, c’est que l’on trouble leurs retrouvailles au sommet avec nos petites angoisses subalternes de citoyens ordinaires. La Commission de l’Union africaine (UA) a ainsi eu l’idée saugrenue, étrange et déplacée de décréter que le fléau de la mortalité maternelle et infantile sur le continent serait le thème officiel du dernier sommet de Kampala. Pire qu’une erreur de casting : une faute de goût.
« Maternité et enfance ? Mais nous ne sommes pas l’Unicef ! » s’est étranglé le colonel Kadhafi. Résultat : le débat sur ce sujet – un vrai pensum – a été expédié en une demi-après-midi par des chefs d’État pour la plupart étourdis et somnolents. Quant aux journalistes, poursuivis par les attachés de presse des ONG tentant désespérément de les sensibiliser à leur cause, ils n’y ont consacré qu’une petite poignée de dépêches destinées aux poubelles des rédactions. C’est qu’un sommet de l’UA, voyez-vous, ne s’occupe que des choses sérieuses…
Jean Ping, président de la Commission de l’Union, autrement dit le coupable, aurait dû le savoir. La mortalité infantile et maternelle, sans doute le plus grave de tous les dossiers de santé publique du continent, est une chose futile, indigne du syndicat qui nous gouverne. Les 265 000 femmes et les 4,5 millions d’enfants morts chaque année faute de soins périnatals ne pèsent rien à côté du débat sur l’utilité d’un néo-Nepad. Le fait que la moitié des décès de ce type dans le monde surviennent en Afrique, qui ne représente pourtant que 12% de la population de notre planète, ne doit interpeller personne, si ce n’est ces petits piments d’ONG. Les 25 à 27 dollars annuels que les gouvernements africains dépensent en moyenne pour la santé de chacun de leurs habitants (contre 1 250 en Europe) sont largement suffisants pour qu’on ne leur en fasse pas grief. Quant au palmarès des pays du continent qui respectent les Objectifs du millénaire en la matière (consacrer 15% de leur budget à la santé) et qui se résume à 3… 3 sur 53 (Rwanda, Tanzanie, Liberia), sa simple évocation relève de la malveillance et de la volonté de distraire leurs Excellences du seul dossier qui compte : l’inculpation de l’un des leurs par la Cour pénale internationale.
Non, décidément, un sommet de l’UA n’est pas une conférence de l’Unicef, comme dirait Kadhafi, lequel doit sans doute penser que la santé maternelle et infantile c’est juste bon à occuper les premières dames. Dans le fond, le colonel n’a pas tort. L’Unicef, elle, est utile…
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