Football, magie et politique

Publié le 26 juillet 2010 Lecture : 2 minutes.

En prédisant le résultat de chacun des matchs de l’équipe d’Allemagne, y compris ses défaites face à la Serbie et à l’Espagne, Paul le Poulpe est devenu l’une des vedettes de la dernière Coupe du monde. La prévision exacte de la victoire de la Roja en finale a fait de l’oracle aux huit tentacules une star planétaire, ayant des dizaines de milliers de fans sur ses pages Facebook et Twitter.

S’il est aujourd’hui le plus adulé, le locataire de l’aquarium d’Oberhausen n’est pas le seul pronostiqueur dans son domaine. Il a de nombreux concurrents en Afrique, où des hommes et des femmes, experts dans l’art de manier les philtres magiques, sont souvent consultés pour prédire ce qui va se passer au cours d’un match et pour en déterminer le résultat. La pratique, dont la dénomination change d’un pays à un autre (khon au Sénégal, gbass en Côte d’Ivoire…), est partout la même. Au point que les fédérations de football du continent se dotent de commissions « affaires mystiques » ou « questions occultes » chargées de recruter marabouts et charlatans qui concoctent talismans et décoctions censés garantir la victoire.

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Le sport n’est pas l’unique terrain de prédilection de ces féticheurs et autres guérisseurs. La politique en est un autre. L’une des professions les plus rémunératrices en Afrique est d’ailleurs celle de « marabout du président ». La plus grosse fortune de tous les temps au Sénégal a été bâtie par Elhadji Babacar Kébé, dit Ndiouga, qui fut l’un des marabouts du maréchal Mobutu Sese Seko du temps de sa splendeur.

Dans un contexte marqué par la croyance en ce que l’on appelle « les réalités africaines », une part de mystique que seuls les initiés peuvent déchiffrer, tout ce qui touche au pouvoir fait intervenir les mages. Une campagne électorale constitue une véritable traite, un moment d’exode massif de la matière grise maraboutique vers le pays organisateur. Au cours de l’élection présidentielle sénégalaise de février 2007, douze suites du luxueux hôtel Méridien Président avaient ainsi été occupées par des hommes en boubou et en turban logés par les candidats au scrutin.

À l’issue de chaque élection, il y a autant d’erreurs de pronostic que de concurrents malheureux. D’autant que nombre d’hommes politiques se jettent dans la bataille après la promesse ferme de leur oracle qu’ils vont gagner. Un homme d’affaires comme le Guinéen Elhadj Mamadou Sylla, par exemple, a brigué les suffrages de ses compatriotes le 27 juin dernier en raison du destin présidentiel que lui prédisent les marabouts de Boké, sa ville d’origine.

La Guinée est d’ailleurs réputée pour ses mythes et légendes qui entourent le pouvoir. Les sages du Fouta, le pays peul guinéen, réputés pour leur érudition coranique, estiment ainsi qu’est venue l’heure du « cheval blanc » (un Peul de teint clair), après le règne sanglant de « l’éléphant » (Ahmed Sékou Touré), celui moins heurté du « lion » (Lansana Conté) et le court intermède pendant lequel le « chien-loup » (Moussa Dadis Camara) a aboyé et mordu.

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Le second tour de la présidentielle dira si les oracles ont vu juste ou si, comme cela arrive souvent, ils se sont trompés. 

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