Le zébu de nouveau sur ses roues
Une entreprise de réinsertion relance le constructeur automobile Karenjy, en panne depuis 1993. Un sacré pari pour la très populaire marque au zébu.
Karenjy (« vadrouilleuse » en malgache) est de retour ! Le seul constructeur automobile ayant jamais existé sur la Grande Île renaît de ses cendres après dix-sept ans d’arrêt, grâce à un projet à la fois économique et social.
Les véhicules de la marque au zébu ont fait la fierté des habitants des hauts plateaux de 1985 à 1993, à l’époque du socialisme : Karenjy fabriquait alors à Fianarantsoa des voitures rustiques mais robustes à partir de pièces de Renault 18. Fondée par Rabearivelo Andriamalagasy, ingénieur polytechnicien et fidèle de l’ancien président Ratsiraka, l’entreprise avait l’appui du régime et des entreprises publiques qui s’équipaient de ses modèles. « Aujourd’hui encore, les employés de la Caisse nationale de prévoyance sociale utilisent ces véhicules pour leurs déplacements. Certains paysans et artisans les ont aussi récupérés pour leur robustesse et les utilisent en brousse », indique Nirina Ralison, enseignant à Antananarivo.
En 1993, le changement de régime politique a eu raison de l’essor de la marque au zébu, qui a dû fermer ses portes. Les bâtiments de Karenjy sont laissés à l’abandon… jusqu’à ce qu’en 2009, une initiative du Relais, entreprise d’aide à la réinsertion créée par le mouvement de solidarité Emmaüs, réveille l’usine endormie. Spécialisé initialement dans la friperie, le Relais est implanté en France mais aussi au Burkina Faso, au Sénégal et, depuis 2008, à Madagascar.
100 % « vita malagasy »
À Fianarantsoa, le Relais marche bien : « L’activité de friperie s’est développée sans aucune subvention. Nous avons pu embaucher une cinquantaine de personnes en difficulté et avons dégagé des bénéfices. Fin 2009, nous cherchions à investir cet argent dans une autre activité. J’ai entendu parler de la vieille usine voisine de Karenjy et suis allé la visiter. J’ai découvert un stock de pièces de rechanges ainsi que des travaux d’ingénierie parfaitement réutilisables », raconte le Français Luc Ronssin, directeur du centre de Madagascar, qui prévoit de réaliser 520 000 euros de chiffre d’affaires en 2010. Ingénieur de formation, il se dit qu’il y a là une opportunité d’investir un marché de niche rentable. « Il existe une demande pour des véhicules 100 % vita malagasy [de facture malgache, NDLR], qui passent partout et qui soient facilement réparables », argumente-t-il.
Début 2010, le Relais a obtenu des autorités et des propriétaires le droit de reprendre l’usine pour un prix symbolique. Quinze personnes ont été embauchées, dont trois techniciens qui ont actualisé les plans des années 1990. « Nous avons redémarré la production en mars et vendu dix véhicules. Nous nous donnons deux ans pour en fabriquer 100 et embaucher 50 personnes », indique Luc Ronssin. Karenjy « nouvelle vague » propose désormais quatre modèles allant de 4 000 à 7 000 euros : le Mazana (« robuste »), version 4×4 décapotable ou version berline, la petite citadine Jezo (« coquette ») et la camionnette Iraka.
À Fianarantsoa, on attend de voir pour juger. « Ici, les gens sont sceptiques, car on leur a vanté tant de projets fantômes… Celui-là semble sérieux, estime Kotoariviny Razafimahenina, un hôtelier de la ville. Résistera-t-il pour autant aux perturbations politiques ? »
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