L’Algérie attire, malgré tout
Alors que le gouvernement s’apprête à assouplir les mesures de contrôle des investissements adoptées en 2009, des entreprises ont maintenu, difficilement, le cap sur Alger.
Pour éteindre la flambée des importations qui mettait le feu à la maison Algérie, le gouvernement a sorti les grands moyens. Un dispositif très sévère à l’égard des investisseurs étrangers a été inscrit dans la loi de finances complémentaire (LFC) de juillet 2009 et mis en place à partir de mai 2010. Désormais, ils doivent obtenir l’aval du Conseil national de l’investissement avant de s’implanter dans le pays. Surtout, il leur faut céder 51 % du capital des sociétés qui mèneront à bien leurs projets à des actionnaires algériens et dégager un solde positif en devises tout au long de l’investissement. Quant aux importateurs étrangers, ils ont l’obligation d’avoir des partenaires algériens à hauteur de 30 % dans le capital de leur société dans le pays.
Des mesures empreintes de patriotisme économique qui ont consisté à mettre en musique des instructions du Premier ministre, Ahmed Ouyahia, datant de décembre 2008. Conscientes d’être allées trop loin, les autorités adoucissent actuellement les mesures dans le cadre du projet de LFC 2010, en cours de discussion à l’Assemblée nationale.
Prendre ces dispositions protectionnistes, « c’était affirmer indirectement que l’on ne veut plus d’investisseurs étrangers », note le professeur d’économie Abderrahmane Mebtoul. Les effets ne se sont pas fait attendre. Le pays a recensé quatre projets d’investissements directs étrangers en 2009… contre 102 en 2008 ! Et seulement un d’origine européenne.
Dans cet environnement plutôt hostile, des investisseurs étrangers sont parvenus, malgré tout, à mettre un pied en Algérie ou à consolider leurs positions. Le 22 juillet, la Macif, un assureur mutualiste français, a pris une participation minoritaire dans le capital de la Société nationale d’assurance (SAA). Cette opération s’apparente à une privatisation du leader algérien de l’assurance auprès des particuliers (automobile et habitation), qui s’est ouvert récemment aux risques industriels. La Banque de l’agriculture et du développement rural (Badr) et la Banque de développement local (BDL) sont associées à l’opération. La partie algérienne détiendra 59 % du capital de SAA, contre 41 % à la Macif. « Nous sommes une mutuelle et nous ne cherchons pas à être majoritaires : nous ne sommes donc pas gênés par la législation qui impose une majorité algérienne dans le capital », affirme Jean Massenet, administrateur de la Macif.
Toutefois, la mutuelle assure la gestion de la SAA, tandis qu’un pacte d’actionnaires lui confie la nomination du directeur général alors que celle du président revient à la partie algérienne. « Nous ne sommes pas là pour faire un coup. L’Algérie s’inscrit dans notre politique d’internationalisation établie en 2005, qui consiste à chercher des relais de croissance dans des pays peu mâtures et à fort potentiel », explique Clothilde Mauffret, chef de projet à la Macif. Dès septembre, la nouvelle entité démarrera son activité en s’appuyant sur les réseaux de distribution de la SAA, de la Badr et de la BDL, pour conquérir un pays où l’assurance représente moins de 1 % du PIB, contre 10 % dans les pays de l’OCDE.
Le succès des coentreprises
Cette volonté d’implantation anime aussi l’industrie, à l’image de Leduc, une PME de 45 salariés spécialisée dans les travaux de fondation. Filiale du groupe Sartorius (400 salariés), Leduc a mis un pied en Algérie en 2003, par l’intermédiaire du canadien SNC Lavallin, qui venait de remporter la construction de la centrale électrique de Skikda. Le temps d’observer le marché, elle s’est rapprochée du groupe algérien Youkais. Né en 2007, il emploie 800 salariés et réalise un chiffre d’affaires de 20 millions d’euros dans le génie civil. Les deux partenaires ont créé une coentreprise en janvier dernier, détenue à 49 % par Leduc. « L’Algérie est une base qui nous permettra d’intervenir aussi bien en Afrique de l’Ouest, notamment dans les infrastructures portuaires, qu’en Libye, où nous pourrons répondre aux appels d’offres grâce à nos ingénieurs algériens, qui parlent l’arabe », expose Étienne Brenckmann, le directeur général de Leduc.
Pour réussir, elle peut s’inspirer du précurseur Ertec (Étude et réalisation de tableaux électriques), une PME marseillaise de 24 salariés, présente à Alger depuis quinze ans. « L’Algérie est un pays où il faut se couler dans le moule. Il ne faut pas se comporter en entreprise qui veut tout faire, mais s’adapter aux moyens sur place et faire avec », estime Roger Lavaux, le directeur général. En 1997, la PME a créé une coentreprise – Erteca – avec la société agroalimentaire Cevital, premier groupe privé du pays, après des collaborations sur plusieurs chantiers. « Je suis à la tête d’une PME française, et Cevital a d’énormes moyens financiers. Mais nous avons trouvé un équilibre grâce à nos compétences dans le métier, qui répondaient à un besoin du groupe et de toute l’industrie algérienne », poursuit Roger Lavaux.
La politique économique du gouvernement, qui a fermé les portes aux importations en 2009, favorise l’activité d’Erteca. « Tous les responsables intéressés par l’industrie dans ce pays ont compris qu’il fallait faire appel à ceux qui apportent leur expérience plutôt qu’à ceux qui apportent leur argent. Dans notre domaine, cela permet de contrer massivement les importations de tableaux électriques d’Italie, d’Espagne, de Turquie, de Corée du Sud… », explique Roger Lavaux.
Mais l’Algérie reste l’Algérie. « Tout est compliqué quand on veut s’implanter. On sollicite deux experts et l’on a trois avis », résume un entrepreneur français.
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