Le Maghreb et le dragon
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Alain Faujas
Alain Faujas est spécialisé en macro-économie.
Publié le 26 juillet 2010 Lecture : 3 minutes.
S’il est un pays qui fait rêver le Maghreb, c’est bien la Corée du Sud. Celle-ci a tenu, les 12 et 13 juillet à Daejeon, au centre du pays, une conférence organisée avec le Fonds monétaire international (FMI) afin de comprendre pourquoi l’Asie se tire si vite de la crise. En novembre, elle présidera dans sa capitale, Séoul, le G20, qui se tiendra pour la première fois en Asie.
Cette consécration n’est que justice, tant son développement a été époustouflant. Rappelons-nous : en 1950, au sortir de la guerre qui a abouti à la partition du pays et qui a fait 2,5 millions de morts, les Coréens sont à 70 % des ruraux. Leurs villes sont composées de bidonvilles bourbeux. Le produit national par tête s’élève à 70 dollars.
Avec une volonté farouche et l’aide des Américains, ils s’attellent à la reconstruction, truelle à la main, transforment d’abord leur pays en « dragon », puis aujourd’hui en pays développé qui se rapproche de l’Espagne à toute allure.
La comparaison de son évolution avec celle des pays du Maghreb est saisissante. En 1980, le classement était le suivant : l’Algérie avait le plus important produit national par tête (2 251 dollars), devant la Corée (1 704 dollars), la Tunisie (1 354 dollars) et le Maroc (1 075 dollars). En 2008, la Corée – qui est passée en tête dès 1990 – est à 17 591 dollars par habitant (environ 12 000 euros à l’époque), l’Algérie à 4 900 dollars, la Tunisie à 3 966 dollars et le Maroc à 2 673 dollars.
Sans ressources naturelles, elle a pourtant décuplé sa richesse, quand les trois autres pays la triplaient dans le meilleur des cas. Aucune des trois crises traversées ne lui a fait remettre en cause son option libérale : ni le choc pétrolier de 1979, ni la crise de la dette asiatique de 1997, ni celle des subprimes de 2008.
Désormais, Samsung et Hyundai taillent des croupières à leurs concurrents nippons Sony et Nissan, et c’est le consortium coréen Kepco qui a vendu des réacteurs nucléaires aux Émirats arabes unis, à la barbe du numéro un mondial du secteur, le groupe français Areva.
Ces performances ne s’expliquent pas seulement par la volonté farouche des Coréens de rattraper leur ancien colonisateur japonais. Pour tenter de découvrir leur recette de développement, il faut en énumérer les ingrédients.
– Le goût de l’ordre : la pensée confucéenne venue de Chine magnifie la hiérarchie et la famille, ce qui a donné les chaebols, ces grands conglomérats familiaux d’entreprises ultracompétitives, dont le plus bel exemple est Samsung.
– Le goût du futur : seul le Japon fait plus en matière de recherche-développement ; et la nécessité de se prémunir contre une invasion par la Corée du Nord a poussé le pays à investir massivement dans les technologies de l’information.
– Le goût de l’ouverture et de la modernité : les Coréens sont des « éponges » culturelles ; ils ont mélangé les religions, allant jusqu’à faire venir des missionnaires chrétiens pour compléter confucianisme et bouddhisme traditionnels. Depuis vingt ans, ils copient la technologie de l’Occident pour en tirer le meilleur parti.
– Le goût du savoir : le taux de scolarisation dans l’enseignement supérieur dépasse celui du Japon. La main-d’œuvre coréenne est l’une des mieux formées du monde.
– Le sens de l’adaptation : quand ils ont perdu, pour cause d’élévation de leur niveau de vie, l’avantage de leurs très bas coûts salariaux (5 % de ceux des États-Unis vers 1970), ils ont abandonné leur modèle exportateur bas de gamme pour se tourner vers des produits à haute valeur ajoutée, les chantiers navals, la construction automobile ou l’informatique.
Si le Maghreb devait retenir quelques leçons de cette success story menée tambour battant, on lui conseillerait de choisir la rage de réussir, la valorisation de l’initiative individuelle et le refus de se replier sur soi-même en cas de crise, attitude d’autant plus remarquable que les Coréens sont d’un patriotisme ombrageux !
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