Face à la crise

La politique des grands chantiers suit son cours. Elle permet à l’économie de s’ancrer dans le long terme, à l’abri des aléas de la conjoncture mondiale.

À Rabat, l’aménagement de la vallée de Bouregreg concentre 3 milliards d’euros d’investissements. © Vincent Fournier/J.A.

À Rabat, l’aménagement de la vallée de Bouregreg concentre 3 milliards d’euros d’investissements. © Vincent Fournier/J.A.

Publié le 5 août 2010 Lecture : 4 minutes.

La méthode Mohammed VI
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La méthode Mohammed VI

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Hôtels complets, avions surbookés, cortèges de Marocains résidant à l’étranger (MRE) sur les autoroutes : en ce début d’été, le Maroc nouveau semble tourner à plein régime. Le tourisme reste l’une des locomotives économiques d’un royaume lancé, depuis dix ans, dans la course au développement. Pas un responsable qui ne rappelle que le Maroc « a fait le choix de la mondialisation et tient le cap ». Car, en ces temps où les Bourses mondiales font du yoyo, où Américains et Européens divergent sur les remèdes aptes à relancer la machine, il en faut, de la détermination, pour ne pas réduire la voilure.

Même si, de l’aveu du ministre de l’Économie, Salaheddine Mezouar, « une vigilance » s’impose dans la gestion des deniers publics, la politique des grands chantiers structurants reste d’actualité. À l’ombre des forêts de grues qui ont poussé dans les métropoles marocaines (Rabat, Marrakech, Tanger, Agadir…), les bulldozers et bétonneuses continuent de s’affairer.

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Alors que certains hommes d’affaires casablancais ironisent sur la « rilance » – concept conjuguant rigueur et relance inventé par la ministre française Christine Lagarde –, les grands argentiers publics et privés du royaume parlent de rigueur concernant le fonctionnement et non pas les investissements. De fait, malgré l’accumulation de nuages qui pèsent sur le commerce extérieur et sur la consommation des ménages, le pays, cité dans les derniers rapports de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) parmi les expériences réussies face à la crise, poursuit sa politique d’infrastructures.

Frénésie équipementière

Grand ordonnateur et témoin de cet engagement, le roi Mohammed VI vient d’inaugurer la nouvelle plateforme industrielle intégrée de Tétouan Shore, un investissement de près de 10 millions d’euros appelé à accompagner la dynamique du port de Tanger Med, lequel vient de franchir le cap des 10 millions de tonnes de fret au premier semestre 2010 (+ 76 % par rapport à 2009). Les travaux de l’usine Renault-Tanger Med, située à Meloussa, vont bon train, avec un objectif de 170 000 véhicules à partir de 2012. La rocade méditerranéenne, véritable défi du génie civil face à la géologie abrupte du Rif, est en voie d’achèvement. Déjà, un nouveau chantier s’engage : celui de la voie express reliant Al-Hoceima à Taza, qui, pour un budget de 250 millions d’euros, devrait permettre le désenclavement vertical du Rif.

Parmi les dernières réalisations coordonnées par l’Agence pour la promotion et le développement du Nord (APDN), l’inauguration royale du parc éolien de Tanger (165 éoliennes d’une puissance totale de 240 MW, soit le site le plus important du continent). Si l’on y ajoute la centrale à cycle combiné de Tahaddart et la poursuite du plan solaire, le Maroc confirme sa position de leader dans le développement des énergies renouvelables.

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Un dynamisme qui devrait avoir des conséquences sur l’avenir des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla. Laminées sur le plan douanier par l’accord de libre-échange conclu entre le royaume et l’UE, les deux enclaves espagnoles sont, de l’aveu d’un diplomate européen, « digérées économiquement » par le Maroc.

Le nord du royaume, longtemps boudé par un pouvoir central qui maintenant le considère comme une région stratégique, n’est pas le seul bénéficiaire de cette politique de grands travaux qui, d’ores et déjà, permettent d’accroître les communications et les échanges entre le Maroc et l’UE. En attendant le futur TGV Tanger-Casablanca (2 milliards d’euros d’investissement), c’est l’inauguration de l’autoroute Marrakech-Agadir, fin juin, après quatre ans de travaux, qui bouleverse la géographie routière. La capitale du Souss, bastion de la pêche et parmi les poumons économiques du royaume, est désormais à seulement sept heures de Tanger et devient un véritable aiguillon commercial pour la sous-région (Mauritanie, Sénégal).

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De son côté, entre les travaux du tramway, la construction de sa Technopolis et le pharaonique projet de réaménagement de la vallée du Bouregreg, qui concentre près de 3 milliards d’euros d’investissements publics et privés, Rabat n’échappe pas à cette frénésie équipementière.

Bref, si le débat sur la rigueur commence seulement à franchir la Méditerranée, il n’atteint pas le même degré d’urgence qu’à Paris et, surtout, qu’à Madrid, les deux principaux partenaires européens du Maroc, car, fait-on valoir à Rabat, le chantier de développement massif engagé depuis dix ans dépasse largement une crise jugée conjoncturelle.

Des facteurs d’inquiétude

Certes le Centre marocain de conjoncture table sur une croissance en 2010 de 2,8 %, soit une perte de deux points par rapport à 2009, mais, « à la différence de l’Espagne, le Maroc n’a pas misé que sur le tourisme et l’immobilier, explique Fouad Brini, directeur général de l’APDN. Nous travaillons sur un modèle de développement basé sur les fondamentaux de l’économie réelle : industrie, logistique et services ». En d’autres termes, les investisseurs marocains et leurs partenaires étrangers ont choisi une vision à long terme.

Certains, pourtant, s’interrogent sur le rythme de ce gigantesque chantier. Quelques éditorialistes s’inquiètent de son impact sur les finances publiques, alors que les traitements des fonctionnaires ont été revalorisés et que les rentrées fiscales sont en berne, avec, en particulier, l’effondrement de la taxe sur les profits immobiliers. En effet, le secteur immobilier reste dynamique, mais on assiste à la mise en veille de certains programmes haut de gamme et surdimensionnés, et, après l’euphorie spéculative des années 2000, la défection de plusieurs partenaires étrangers, comme l’espagnol Fadesa, entraîne une certaine nervosité chez les acheteurs étrangers. Désormais, la véritable locomotive du secteur reste le logement social.

Autre source de préoccupation, l’endettement des ménages (plus de 5 milliards d’euros d’encours), qui ont succombé depuis quelques années aux charmes vénéneux des crédits à la consommation. Quant au tourisme, toujours dynamique, il devrait tout de même pâtir cet été de la baisse du pouvoir d’achat des Européens et, au cœur de la saison, en août, du mois de ramadan. Malgré ces quelques signaux d’alarme, le Maroc avance, convaincu que, en économie comme ailleurs, l’audace paie souvent.

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