Mais comment fait-il ?
La méthode Mohammed VI
C’est au Maroc qu’il règne, et force est de reconnaître que nous nous sommes tous trompés sur son compte. Personne, il y a onze ans, n’aurait parié un dirham sur ce que Mohammed VI est devenu. Un roi malgré lui, disaient les plus indulgents, un roi sous contrôle, assuraient les autres, un roi épicurien, un roi faible que les barbus, ou alors l’armée, ne tarderont pas à éliminer de l’échiquier. Avec, pour enfoncer le clou, des livres au destin de feuilles mortes mais aux titres définitifs : Le Dernier Roi, Quand le Maroc sera islamiste, Le Grand Malentendu…
De ces prédictions volontiers apocalyptiques, il ne reste aujourd’hui chez les contempteurs du monarque marocain qu’un double motif d’exaspération : sa capacité à s’assurer la bienveillance du monde et sa cote, intacte, de popularité, la plus élevée dont ait joui un souverain chérifien depuis son grand-père Mohammed V, dont les sujets voyaient apparaître le visage sur la lune, les nuits de ramadan.
Exaspération ou admiration ? Ce qui agace tant les marocosceptiques, éternellement orphelins d’une transition avortée qui aurait conduit le Maroc vers les rivages à hauts risques d’une sorte de monarchie élective, est en réalité le fruit d’un vrai talent politique. Rien ne fut donné à Mohammed VI : ni la stabilité d’un trône qu’il lui fallut reconquérir, comme le fit chacun de ses ancêtres, ni l’amour d’un peuple qui ne respecte que celui qu’il estime et dont la faveur apparente n’implique pas forcément la confiance, ni l’appui de l’extérieur longtemps tétanisé face aux incertitudes d’une si lourde succession. Onze ans plus tard, le régime de monarchie exécutive n’est contesté par aucun secteur significatif de la société – sa légitimité s’est même renforcée par rapport au précédent règne –, l’intégrité territoriale n’a jamais été remise en cause, et le pays poursuit à grands pas son intégration dans l’économie monde.
Certes, le Maroc n’est pas un royaume de conte de fées. C’est un État émergent du Sud, avec ses inégalités, ses poches de corruption, ses prurits d’arbitraire, sa justice à deux vitesses, ses zones d’opacité financière, ses taches de misère, son chômage et son émigration. Mais s’il est un homme qui n’ignore rien de cette réalité, dénoncée de discours en discours, c’est bien lui. Et peu importe, aux yeux des Marocains, que le Palais soit riche.
Si M6, qui a le bras long, mais aussi l’oreille fine, accorde aux bataillons de démunis que compte le Maroc une priorité qui ne se dément pas, ce n’est pas pour obtenir de leur part un certificat de charité, encore moins une quelconque gratitude électorale, lui dont la fonction et la position ne sont soumises à aucun vote. En politique avisé, il sait qu’on ne domine pas un peuple en excitant ses passions, mais en s’occupant de ses intérêts. Un aphorisme qui vaut aussi bien pour ceux qui, à l’intérieur, flirtent sans cesse avec les lignes rouges. Pour eux, point de muselière comme sous Hassan II, mais le patient apprentissage de cette phrase de Paul Valéry : « Un État est d’autant plus fort qu’il peut conserver en lui ce qui vit et agit contre lui.
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