Mystérieux Chabaab
En revendiquant le double attentat de Kampala du 11 juillet, les milices islamistes ont prouvé qu’elles pouvaient frapper loin et fort. Elles demeurent pourtant peu hiérarchisées, sans programme clair ni dirigeants officiels.
« Les Chabaab n’écoutent personne. On ne connaît même pas leurs dirigeants », se désespérait le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, le 20 juillet, dans un entretien accordé aux médias français. En revendiquant le double attentat de Kampala du 11 juillet – bouleversant, de fait, l’agenda du sommet de l’Union africaine des 26 et 27 juillet –, les islamistes somaliens ont montré qu’ils pouvaient frapper loin et fort. Mais, s’ils se réclament désormais du djihadisme mondial, ils n’en restent pas moins fragmentés, sans programme clair ni dirigeants officiels. Certaines personnalités importantes du groupe sont identifiées, mais ni elles ni le Gouvernement fédéral de transition (GFT) ne veulent amorcer un dialogue.
Qui sont-ils ?
Fondé en 2004, le « mouvement des combattants de la jeunesse » compte environ 2 000 éléments. Parmi eux, des dissidents du parti islamiste historique des années 1990 en Somalie, Al-Ittihad, d’anciens combattants d’Afghanistan et des jeunes recrutés par les Tribunaux islamiques, qui, pendant quelques mois et jusqu’à l’intervention de l’armée éthiopienne en décembre 2006, ont contrôlé la moitié sud du pays. Depuis, la mouvance la plus radicale semble avoir pris le pas au sein d’un groupe toujours divisé. Avec l’autre milice d’insurgés, le Hezb al-Islam, les Chabaab contrôlent 80 % de la Somalie.
Quel est leur lien avec Al-Qaïda ?
Depuis un an et demi, des tensions sont apparues entre les « Somaliens », concentrés sur des objectifs nationaux, et les « étrangers ». Ces derniers seraient entre 200 et 1 200 selon les estimations. Ce sont en majorité des Somaliens de la diaspora nés à l’étranger et rentrés récemment au pays, ainsi que quelques combattants du Moyen-Orient ou d’Afghanistan, venus par idéologie. Les Chabaab ont proclamé leur affiliation à Al-Qaïda en 2007 et fait allégeance à Ben Laden dans plusieurs vidéos. En février 2009, Ayman al-Zawahiri, numéro deux d’Al-Qaïda, a félicité les Chabaab pour la prise de la ville de Baidoa. Il n’y a toutefois pas de preuve de connexion financière avec Al-Qaïda. C’est plutôt l’Érythrée voisine, selon les Nations unies, qui approvisionne les Chabaab.
Qui les dirige ?
Le groupe communique peu et n’a pas de hiérarchie claire. Toutefois, certains commandants se sont imposés. Cheikh Mukhtar Abou Zubair est à sa tête depuis 2007, mais c’est au cours des deux dernières années, alors que les Chabaab s’orientaient vers le djihadisme, qu’il a gagné en importance. Ce natif du Somaliland (dans le nord du pays), âgé de 32 ans, est appelé « émir », un titre emprunté à la terminologie islamiste. Cheikh Mukhtar Robow, ancien d’Afghanistan et idéologue radical, est lui aussi un commandant militaire reconnu et un important porte-parole du groupe. D’autres chefs, moins radicaux, ont été marginalisés. Quant à Aden Hashi Ayro, il a été éliminé par une attaque aérienne américaine en mai 2008.
Que veulent-ils ?
L’agenda des Chabaab était initialement national, religieux et politique : instaurer une république islamique, et chasser l’armée éthiopienne et les troupes de la Mission de l’Union africaine en Somalie (Amisom). Mais depuis le retrait éthiopien, en janvier 2009, et l’adoption de la charia par le GFT, les Chabaab se sont radicalisés pour rester visibles. Port obligatoire de la barbe, amputations et coups de fouet ont creusé le fossé entre les Chabaab et une grande partie de la population, qui pratique un islam modéré. Une fois par mois, Abou Zubair s’adresse aux Somaliens par des messages radios. Il y fustige la présence de l’Amisom ou les guerres menées par les États-Unis dans le monde, mais il n’existe aucune plateforme politique ni document écrit.
Le dialogue est-il possible ?
Dès 2007, les Chabaab se sont vigoureusement opposés aux discussions entre les anciens des Tribunaux islamiques et le GFT pour former une union nationale. Pourtant, au sein de ce groupe fragmenté, il y a encore des personnalités centrées sur les questions nationales et avec lesquelles un dialogue serait possible. Mais pour l’instant, le GFT n’a pas de stratégie de réconciliation nationale ; il n’a identifié ni interlocuteurs potentiels ni médiateurs éventuels. Sa sécurité est extrêmement précaire et ses dirigeants ne sont pas tous décidés à partager le pouvoir.
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