Ultime envolée de la griotte de Senghor

Yandé Codou Sène est partie sur la pointe des pieds, à l’âge de 78 ans. À Dakar, on savait depuis des mois que la cantatrice sérère, célèbre pour avoir été la griotte du président Léopold Sédar Senghor, avait la santé chancelante. Pourtant, la nouvelle de son décès, le 15 juillet, a surpris et ému le pays entier.

Depuis un demi-siècle, cette femme au visage à peine marqué par les ans et dont le regard se cachait derrière de larges lunettes fumées faisait partie de la vie des Sénégalais. Et ses envolées lyriques vibraient tous les jours sur les chaînes de radio, dont certaines utilisent sa voix puissante, à la fois rauque et légère, comme habillage d’antenne. Piètre compensation pour une dame de talent dont les apparitions étaient devenues exceptionnelles et qui n’aura enregistré que deux disques : Gainde, Voices from the Heart of Africa, avec Youssou N’Dour, en 1995 (Network), et Night Sky in Sine Saloum en 1997 (Concord).

Yandé Codou Sène vit le jour en 1932 à Somb, un village situé à environ 180 km au sud de Dakar. Elle a à peine 15 ans quand elle rencontre Senghor, au cours d’une cérémonie traditionnelle. Elle partageait avec lui un amour profond de la culture sérère, connue pour la beauté de ses chants poly­phoniques et le don de la parole poétique. Elle l’accompagnait parfois dans ses voyages, et l’on raconte qu’elle fut la seule qui osait interrompre ses discours.

Bien qu’elle fût connue de tous ses compatriotes, Yandé Codou Sène, comme nombre d’artistes sénégalais talentueux, ne fut qu’en de rares occasions sous les feux des projecteurs. En 2008, deux réalisatrices, la Française Laurence Gavron (Yandé Codou Sène, diva sérère) et la Sénégalaise Angèle Diabang Brener (Yandé Codou, la griotte de Senghor), ont néanmoins immortalisé la cantatrice, dont le grand public ne sait en réalité que peu de chose.