Un esprit libre disparaît
Grande figure de la pensée islamique moderne, Nasser Abou Zayd est décédé au Caire, le 5 juillet, à l’âge de 66 ans, des suites d’une infection virale.
Après quinze ans d’exil forcé, c’est pour mourir, le 5 juillet, que l’Égyptien Nasser Abou Zayd est revenu au Caire. Professeur d’études arabes à l’université du Caire dans les années 1980, il dispensait une approche libérale de l’enseignement de l’islam et regrettait que « la pensée islamique se soit rigidifiée depuis Averroès ».
« Il voulait réformer l’islam de l’intérieur en ranimant une tradition égyptienne d’exégèse coranique ouverte, mise à mal par les conservateurs depuis les années 1960 », analyse Nabil Abdel Fattah, directeur du Centre des études sociologiques et historiques d’Al-Ahram. Mais sa titularisation lui est refusée, en 1993, pour « affronts directs à la foi musulmane ».
À la recherche de la vérité
Dans les années 1990, les islamistes avaient acquis une forte influence dans les milieux académiques et les appareils d’État, notamment « via le recours aux tribunaux », rappelle le sociologue Patrick Haenni. Leur hostilité à l’égard d’Abou Zayd se prolonge hors de l’université. Sur une plainte déposée par des particuliers au nom de la hisba – qui permet à tout citoyen de porter plainte quand les intérêts religieux de la communauté sont en péril –, il est condamné en 1995 pour apostasie (reniement de la foi) par un tribunal du Caire.
Une condamnation qui aboutit à la dissolution, par arrêt judiciaire, de son mariage et obligeait son épouse à divorcer de l’homme qui, en vertu de la loi égyptienne, n’était plus considéré comme musulman. Le couple, menacé de mort par des fondamentalistes, s’exile la même année aux Pays-Bas, où Abou Zayd est nommé professeur d’études islamiques à l’université de Leyde. Ironie du sort, c’est en 1995 qu’il est finalement titularisé à l’université du Caire par le comité académique, qui concluait alors : « En bref, c’est un esprit libre qui n’aspire qu’à la vérité. ». En 2008, depuis l’exil, il regrettait toujours « la politisation de la religion dans tous les pays arabes », notamment en Égypte, où la hisba est encore utilisée pour écarter de nombreux intellectuels.
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