Peut-on encore éviter le pire ?
De joutes verbales en menaces nucléaires, le face-à-face de la République islamique avec les États-Unis et leur allié israélien semble de plus en plus dangereux. De part et d’autre, la tension monte. Et les commentateurs attisent le feu.
À 83 ans, Fidel Castro, l’ancien président cubain, s’est alarmé ces derniers jours d’une possible attaque de l’Iran par les États-Unis et leur allié israélien. « Cet affrontement engendrera la plus atroce de toutes les guerres », prédit-il. Castro est-il clairvoyant ou bien aveuglé par son animosité envers les États-Unis et sa haine d’Israël (qu’il a comparé à l’Allemagne nazie) ? « Les Yankees croient que la reddition de l’Iran est proche », écrit-il le 11 juillet dans l’une de ses « Réflexions », mais l’Iran ne cherche rien d’autre qu’à « satisfaire ses intérêts nationaux absolument légitimes ». Et de conclure : « Aujourd’hui, tout est suspendu à un mince fil. » Prédiction d’un conflit imminent qu’il a réitérée, dès le lendemain, lors d’une de ses rares apparitions à la télévision d’État cubaine.
Le face-à-face avec l’Iran semble de plus en plus dangereux. Téhéran a réagi avec défi à la quatrième série de sanctions financières et militaires onusiennes, adoptée par le Conseil de sécurité le 9 juin dernier. Le 12 juillet, le patron du nucléaire iranien, Ali Akbar Salihi, a annoncé que l’Iran avait produit 20 kg d’uranium enrichi à 20 %. Même si le pays est bien en deçà des 95 % d’enrichissement requis pour la fabrication d’une bombe nucléaire, il fait un pas de plus dans cette direction.
Au cœur du désaccord s’entrechoquent l’affirmation par Téhéran que son programme nucléaire est purement pacifique – comme l’autorise le Traité de non-prolifération (TNP) dont il est signataire – et la volonté des États-Unis et de leurs alliés de mettre un terme à toutes les activités nucléaires du pays, qu’ils soupçonnent de vouloir atteindre, au minimum, un seuil permettant de fabriquer une bombe en cas d’urgence.
Dans la claire intention de plaire à Washington et de consolider la nouvelle entente russo-américaine, le président russe Dmitri Medvedev, a déclaré, également le 12 juillet, que « l’Iran est proche d’avoir le potentiel qui, en théorie, peut être utilisé pour la fabrication d’une arme nucléaire. » « Des paroles totalement fausses », répond dès le lendemain le ministre iranien des Affaires étrangères, Manouchehr Mottaki.
Opportunisme contre principes
Plus l’Iran est menacé (par Israël, en premier lieu, mais aussi par les États-Unis), plus il ressentira le besoin d’acquérir un outil de dissuasion. Et l’État hébreu ne cache pas sa détermination à éliminer toute concurrence à son monopole nucléaire au Moyen-Orient.
Depuis la rencontre entre Barack Obama et le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, le mois dernier, il est clair que les États-Unis regarderaient ailleurs si Israël se décidait à attaquer. Ils ont déclaré très bien comprendre les besoins sécuritaires d’Israël. Obama a lui-même précisé : « Nous croyons profondément que, étant donné sa taille, son histoire, son environnement régional et les menaces qui pèsent sur lui [Obama a d’abord dit “sur nous” avant de se corriger, NDLR], Israël a des besoins sécuritaires uniques. Et c’est pourquoi notre engagement pour sa sécurité est inébranlable. »
Un soutien aussi inconditionnel peut être interprété comme un feu vert des États-Unis à une attaque contre l’Iran. Si Téhéran améliore l’enrichissement de son uranium, Israël pourrait se sentir obligé d’attaquer, assuré du soutien américain. Selon la presse américaine, Netanyahou a cependant promis d’informer Washington avant toute attaque.
À quatre mois des élections de mi-mandat, Obama semble soucieux de rallier les donateurs démocrates, lobbyistes et membres du Congrès pro-israéliens. Sa demande à l’État hébreu, l’an dernier, de geler la colonisation et son insistance en faveur d’une solution à deux États avec les Palestiniens les avaient hérissés. Aussi leur promet-il de ne mettre aucune pression sur Israël. L’opportunisme politique l’a évidemment emporté sur les principes. Et, cela va de soi, Obama n’évoque jamais les besoins sécuritaires du Liban, de la Syrie ou des Palestiniens, qui sont régulièrement menacés ou attaqués par Tel-Aviv.
Catherine Ashton, la haute représentante de l’Union européenne pour les Affaires étrangères, qui était trésorière et vice-présidente britannique de la Campagne pour le désarmement nucléaire au début des années 1980, a proposé une approche duale envers l’Iran : imposer des sanctions, mais être prêt à dialoguer. Le 14 juin, elle a invité le négociateur en chef du nucléaire iranien, Saïd Jalili, à discuter avec elle de l’armement atomique. Jalili a répondu le 6 juillet que l’Iran reprendrait les négociations avec le groupe des Six (États-Unis, Russie, Chine, France, Allemagne et Royaume-Uni) le 1er septembre, passé les deux mois d’interruption décidés le 28 juin en réaction aux sanctions de l’ONU. Il a cependant réitéré la position iranienne : le but des Six est-il de trouver un moyen de coopérer ou de rester hostile aux droits de l’Iran en matière nucléaire ? Après avoir souligné que, pour que le dialogue soit efficace, les menaces et les pressions doivent cesser, il a demandé à Ashton de clarifier la position des grandes puissances en ce qui concerne l’arsenal nucléaire d’Israël. Réagissant favorablement aux propos de Jalili, Ashton a répondu, le 13 juillet, que les conditions semblaient propices pour une relance des négociations à l’automne prochain. Une initiative qui ne plaira pas aux faucons israéliens.
De son côté, le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a demandé que les négociations incluent d’autres puissances – sous-entendu la Turquie et le Brésil, avec lesquels il a signé un accord d’échange de combustibles, le 17 mai, accord que les États-Unis et le Conseil de sécurité avaient rejeté avec dédain.
Reste à savoir si, d’ici au 1er septembre, une attaque surprise israélienne n’aura pas fait basculer le Moyen-Orient dans un autre conflit destructeur.
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