Salou Djibo fait le ménage

Enquêtes, interpellations, dénonciations… La junte promet de lutter contre la corruption et de tourner la page Mamadou Tandja. Depuis mars, le pays vit au rythme des scandales et des révélations.

Le président du CSRD veut assainir la gestion des affaires publiques. © Glez

Le président du CSRD veut assainir la gestion des affaires publiques. © Glez

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Publié le 26 juillet 2010 Lecture : 4 minutes.

Ils sont là, bien en vue dans le cahier central du quotidien gouvernemental Le Sahel du 12 juillet : deux cents noms de personnes soupçonnées d’indélicatesse dans l’affaire dite des tracteurs. Anciens députés ou ministres sous la présidence de Mamadou Tandja, tous sont accusés de ne pas avoir intégralement remboursé les véhicules agricoles qui leur ont été cédés par la centrale d’approvisionnement.

La méthode est sans doute brutale, reconnaît le président de la Commission de lutte contre la délinquance économique, financière et fiscale, mais efficace : « Ces personnes avaient toutes reçu des notifications, explique Abdoulkarim Mossi. Depuis que leur nom est paru dans le journal, plusieurs sont venus payer. » C’est la pédagogie façon Salou Djibo, ironise-t-on à Niamey depuis que le président du Conseil suprême pour la restauration de la démocratie (CSRD), qui a pris le pouvoir le 18 février, a annoncé son intention d’assainir la gestion des affaires publiques. Et la Commission se targue déjà de quelques résultats : depuis sa création, à la mi-mai, elle a recouvré 600 millions de F CFA, soit 914 694 euros (le montant total des notifications envoyées s’élève à ce jour à 4 milliards de F CFA). Ce sera ensuite à la justice de se charger des mauvais payeurs récalcitrants.

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Au mois de mars déjà, la junte avait procédé à une vague d’interpellations parmi les proches de Mamadou Tandja. Les suspects ont, depuis, été libérés mais demeurent sous le coup de poursuites judiciaires. En juin, c’était au tour du fils du président déchu de faire les frais du « coup de balai ». Accusé, tout comme l’ancien ministre des Mines, Mohamed Abdoulahi, de trafic d’influence, de perception de pots-de-vin et de blanchiment de capitaux lors de l’attribution de contrats miniers, Hadia Toulaye Tandja est aujourd’hui derrière les barreaux.

Trop avantageux

Ces dossiers-là sont actuellement devant la justice, et la Commission dirigée par Abdoulkarim Mossi ne s’en occupe pas. Elle a déjà fort à faire avec les dizaines de cas qui lui ont été transmis par l’Inspection générale de l’État et par l’Inspection des finances. Les révélations se succèdent et le pays vit au rythme des milliards de francs CFA détournés sous l’ère Tandja.

Pas étonnant, dans ce contexte, que le contrat de la mine d’or de Samira soit devenu l’un des symboles de cette mauvaise gestion. Gérée par la Société des mines du Liptako (SML) – une entreprise détenue à 80 % par une compagnie canadienne, la Semafo, et à 20 % par l’État du Niger –, la mine est située dans la région de Téra, à 150 km à l’ouest de Niamey. Elle avait déjà, en 2007 et 2008, attiré l’attention des autorités. Une enquête parlementaire, menée pour déterminer la validité des contrats considérés comme trop avantageux pour la Semafo, avait alors mis en évidence un certain nombre de « mauvaises pratiques ». Le président Tandja, sans doute trop occupé à se maintenir au pouvoir et à s’assurer quelques soutiens, n’avait pas donné suite. Depuis le démarrage de l’exploitation en 2004, la SML a engrangé 86 milliards de F CFA. Et pourtant, selon Aïssata Bagnan Fall, présidente de l’Association nigérienne de lutte contre la corruption, « en six ans, l’État n’a perçu que 4 milliards de F CFA de recettes fiscales ».

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Côté canadien, on se défend de toute irrégularité. « Nous avons versé plus de 102 milliards de F CFA de royalties à l’État », assure Jean-Paul Blais, vice-président des affaires insti­tutionnelles de Semafo. Si aucun dividende n’a été versé, c’est parce que « nous sommes convenus dès le départ de rembourser d’abord les prêts obtenus grâce à notre caution. Il n’y a pas d’affaire ». L’argument ne convainc pas Aïssata Bagnan Fall : « Les Nigériens n’ont rien touché, alors qu’ils manquent de tout : eau potable, hôpitaux, écoles… Selon la loi, 15 % des recettes auraient dû être reversées aux riverains. Rien de tout cela n’est normal. »

Scepticisme

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Et la liste des scandales est encore longue : détournement dans l’affaire dite du riz japonais, qui met en cause Habi Mahamane Salissou, un ancien ministre devenu vice-président du parti Loumana. Détournement également de presque 600 millions de F CFA sur le milliard alloué à la réparation de véhicules militaires et sur lesquels l’adjudant-chef à la retraite Illiassou est accusé d’avoir mis la main… « Les gens doivent comprendre que les biens de l’État ne sont pas leurs biens personnels, explique Abdoulkarim Mossi. Il ne faut plus confondre le pays avec sa poche. »

Reste à savoir quels seront les résultats obtenus. Mohamed Bazoum, ancien député et vice-président du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS), est sceptique : « Chaque fois qu’il y a eu un changement à la tête de l’État, on a mis en place une commission de moralisation des affaires publiques. Cela s’est fait partout. Mais l’expérience a montré que ce type d’outil n’était pas très efficace et que les résultats étaient souvent décevants. » La Commission pourrait bien être jugée sur pièce dans six mois : le 3 janvier 2011, les Nigériens seront appelés aux urnes pour le premier tour de l’élection présidentielle. Une autre occasion, peut-être, de faire le ménage.

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