Jean Michel Huet : « Il faut reconquérir les bas revenus »

Après avoir massivement investi, les opérateurs doivent rebondir pour effacer leurs dettes. Solution : aller chercher de nouveaux clients dans les zones non encore couvertes.

Jean-Michel Huet, directeur des « marchés émergents » chez BearningPoint. © Vincent Fournier/J.A.

Jean-Michel Huet, directeur des « marchés émergents » chez BearningPoint. © Vincent Fournier/J.A.

Publié le 29 juillet 2010 Lecture : 2 minutes.

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Les opérateurs télécoms génèrent 7 % du total des recettes fiscales en Afrique subsaharienne, et leur impact sur les flux financiers ne cesse de s’accroître grâce au paiement mobile. Mais le secteur serait entré dans une bulle et ses acteurs seront bientôt incapables de faire face à leurs dettes. Décryptage avec l’un des auteurs du rapport « Les enjeux financiers de l’explosion des télécoms en Afrique subsaharienne », publié en février par l’Institut français des relations internationales (Ifri). 

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JEUNE AFRIQUE : Comment expliquez-vous la formation de cette « bulle des télécoms » ?

Jean-Michel Huet : Les opérateurs, alléchés par la « virginité » du marché africain, se sont arraché les licences d’exploitation à des prix surestimés entre 1995 et 2005. L’aisance financière des pays du Golfe a permis aux fonds d’investissement de surenchérir, tirant vers le haut le montant demandé pour les permis. De plus, le faible taux de pénétration a convaincu les opérateurs de s’implanter dans le plus grand nombre de pays pour profiter de la croissance des marchés.

Ces coûts de licence s’ajoutent à ceux, importants, liés au développement de l’infrastructure du réseau. L’échéance de remboursement de ces dettes arrive dans un contexte de crise financière, alors que les conditions de financement sont difficiles. Les opérateurs finissent par se heurter au mur des liquidités.

De quelle façon pourront-ils éponger leurs dettes ?

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Les mouvements de concentration vont se poursuivre. L’exemple le plus marquant est celui de l’opérateur koweïtien Zain, qui a acheté, ces cinq dernières années, des licences d’exploitation au prix fort. Croulant sous une dette estimée à 4,4 milliards d’euros, il a vendu ses 15 filiales africaines le 8 juin pour 7,54 milliards d’euros à l’indien Bharti Airtel, plus habitué aux marchés où les consommateurs disposent de revenus modestes. De la même façon, on a vu le 5 juin le fonds d’investissement libyen LAP Green Networks s’engager à hauteur de 320 millions d’euros pour acquérir 75 % de Zamtel, l’opérateur étatique de Zambie. 

Face à la saturation de certains marchés, comment ces nouveaux acteurs tireront-ils leur épingle du jeu ?

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Les habitants les plus riches ont été les premiers à s’équiper. Le chiffre d’affaires mensuel par client, qui atteignait un bon niveau en 2004 – environ 20 euros –, en fait foi. Maintenant, en plus de fidéliser ces utilisateurs et de les amener à consommer des services à haute valeur, comme l’internet mobile, les opérateurs doivent jouer sur un deuxième tableau pour pénétrer le bas du marché.

Ce terrain de jeu est bien adapté à Bharti, qui s’est emparé des filiales de Zain, puisqu’il pourra dupliquer le modèle développé en Inde : compenser les petits prix et le faible niveau de revenu mensuel par client par un fort volume de ventes et des coûts de commercialisation réduits. Il ne serait pas surprenant que Bharti tente de se rapprocher de ses concurrents dans le but de mutualiser les réseaux, comme il l’a fait en Inde. Lorsque les antennes seront partagées, il sera plus facile d’aller chercher une tranche de la population à faible revenu qui vit dans des zones reculées. C’est cette frange de la population qu’il faut toucher : encore 30 % des Africains vivent dans des endroits qui ne sont pas couverts par le réseau.

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