Celle par qui le scandale arrive
L’héritière de L’Oréal vaut bien une affaire d’État : « J’ai les moyens de mes choix. Je les ai toujours. » Même devant les journalistes, Liliane Bettencourt, troisième fortune de France et femme la plus riche d’Europe, affiche toujours l’assurance des seigneurs du Monopoly capitalistique mondial. Même si elle confesse aujourd’hui être « fatigable », l’actionnaire majoritaire du géant cosmétique mondial (64 000 salariés, 17 milliards d’euros de CA) continue, du haut de ses 87 printemps, de monter elle-même au front médiatique.
Aux journalistes, elle veut démontrer, malgré son évidente surdité, qu’elle n’est pas la vieille femme sénile victime d’un vulgaire coureur de dot, le photographe mondain François-Marie Banier. La mise impeccable portée par des robes de haute couture et une permanente sculpturale, Liliane Bettencourt se sait dépositaire d’un certain art de vivre « à la française », d’une appartenance à la très haute bourgeoisie qui a ses règles, ses secrets de famille, ses codes discrets à des années-lumière du bling-bling récemment affiché au plus haut niveau de l’État. Et, après une longue vie de milliardaire discrète, entre deux avions pour les Caraïbes, l’Asie ou l’océan Indien avant de se ressourcer dans son hôtel particulier de Neuilly ou son havre breton de l’Arcouest, il faut du courage à l’octogénaire chevalier de la Légion d’honneur pour affronter « la meute » médiatique qui l’accuse de fraude fiscale. Un véritable crime moral à l’heure où les Français sont invités à se serrer la ceinture.
Success-story
À l’origine de cette tempête, une fâcherie dévastatrice avec sa fille unique, Françoise, qui a porté plainte pour « abus de faiblesse » afin de tenter de mettre un terme aux largesses accordées par sa mère à « son grand ami » François-Marie Banier. Largesses qui ont déjà coûté près de 1 milliard d’euros. Procédure judiciaire, écoutes téléphoniques clandestines d’un majordome indélicat, entrée en scène des ténors du barreau parisien, soupçons de fraude fiscale massive et de financement politique occulte : les développements de cette affaire de famille sont explosifs. Sans présumer de son impact politique, qu’un magistrat parisien compare déjà à « un séisme » pour l’exécutif de Nicolas Sarkozy, ce dossier a braqué les projecteurs sur une saga familiale connue du gotha politico-financier mais oubliée du grand public.
Née en 1922 dans le 7e arrondissement de Paris, Liliane est la fille d’Eugène Schueller, un chimiste alsacien, fils de boulanger et fondateur historique de L’Oréal après avoir conçu un procédé révolutionnaire de teinture « inoffensive » des cheveux. Une véritable success-story qui passera la vitesse supérieure avec le rachat en 1920 de l’emblématique marque Monsavon. En 1950, Liliane épouse André Bettencourt, associé de son père dont elle hérite à son décès en 1957. Journaliste engagé, homme d’affaires puis ministre du général de Gaulle et de Georges Pompidou, André a l’entregent du « Bel Ami » de Maupassant. Son appartenance dans les années 1930 au groupe d’extrême droite clandestin La Cagoule, auquel sympathisait également son futur beau-père Eugène Schueller, puis son rôle pendant l’Occupation où certains de ses écrits sont ouvertement antisémites feront brièvement polémique à la Libération. Mais comme nombre de futurs barons de la IVe République, dont François Mitterrand, André Bettencourt a basculé pendant la guerre du collaborationnisme à la Résistance, échappant ainsi au filet sélectif de l’Épuration.
Esprit de répartie
Ce mari aussi talentueux que complexe a, jusqu’à son décès en 2007, accompagné Liliane Bettencourt dans son rôle de richissime héritière. Depuis donc maintenant trois ans, c’est une veuve qui détient plus d’un tiers du capital du numéro un mondial de la beauté (également propriétaire des marques Yves Saint Laurent, Ralph Lauren, Vichy ou Lancôme). À la tête d’une fortune avoisinant les 20 milliards d’euros et également actionnaire du géant agroalimentaire suisse Nestlé, Liliane, malgré son deuil, n’a pas pour autant renoncé à vivre. Nageant quotidiennement, toujours très active dans le milieu caritatif et associatif (elle a fait don au début de l’année d’un demi-milliard d’euros à la fondation Bettencourt-Schueller, très engagée dans la lutte contre le sida), connue pour son esprit de repartie toujours vif et son humour décliné dans les dîners en ville, « Madame », comme l’appelle son gestionnaire de fortune Patrice de Maistre, continue de mener une riche vie sociale. « J’aime l’action », confie-t-elle au Monde.
Interrogée sur les largesses dont elle a pu faire bénéficier son entourage, et notamment François-Marie Banier, elle répond : « Je donne à mes proches. C’est mon choix. […] J’ai donné beaucoup dans ma vie. Et pas seulement des sommes d’argent. » Même vieillissante, même déstabilisée par la guerre pathétique qui l’oppose à sa fille, « la première contribuable de France » semble décidée à se défendre. En raison des énormes enjeux politiques et financiers qui dépendent de ses positions, Liliane Bettencourt devra avoir gardé tous ses esprits. Ce dont doute, presque cruellement, le talentueux Me Olivier Metzner (tombeur des avocats de Nicolas Sarkozy au procès Clearstream), conseil de sa fille Françoise. « C’est quand même une femme fragile qui semble subir les choses », affirme l’avocat, qui estime que la richissime octogénaire « est déconnectée parce que son entourage ne lui dit pas la vérité en face ».
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