Temps libre
Dès qu’une société atteint un niveau de vie confortable, les activités de loisirs prennent leurs aises. Loin de déroger à la règle, les Tunisiens se détendent, profitent de leur temps libre et s’adonnent à leurs passe-temps favoris. De plus en plus nombreux.
Amateurs d’art de vivre, les Tunisiens, passé les heures d’études et de travail, découvrent que « la vraie vie est ailleurs », dans les loisirs. Désormais, grâce à un niveau de vie et à un pouvoir d’achat en hausse, une large gamme de divertissements permet à chacun de trouver son bonheur au rayon du bien-être et des hobbies. Une offre de loisirs qui répond désormais, presque sans limites, à la quête que porte en lui tout Tunisien, celle du jaou, c’est-à-dire la bonne ambiance, la bonne humeur.
Effervescence dans les centres urbains
Les résultats d’une étude commandée par l’Office national de la famille et de la population (ONFP) semblent à cet égard étrangement sages. Ils établissent en effet que la télévision reste le divertissement préféré des familles, suivi par les palabres au café. Le sport et la lecture arrivent loin derrière. L’analyse est même étonnante, car elle souligne un désintérêt pour les loisirs chez les plus de 25 ans, en particulier chez les seniors.
Pourtant, l’effervescence des grands centres urbains, qui abritent 70 % des 10,5 millions de Tunisiens, montre une tout autre image. Les loisirs, les espaces festifs et culturels gagnent de plus en plus de place et transforment l’environnement urbain. L’avenue Hédi-Nouira à El-Nasr, nouveau quartier de Tunis, en est un exemple frappant : sur près de 2 km, les cafés et les restaurants semblent se bousculer les uns les autres tant ils sont nombreux et ne désemplissent pas. Même constat aux Berges du Lac, autre quartier de la capitale, ou le long de la plage de Boujaafar, à Sousse. Chaque mètre carré est exploité par l’industrie des loisirs.
Ce phénomène n’est pas lié au tourisme, mais à une forte demande locale en matière de divertissements. Tout y passe. La programmation culturelle n’a jamais connu de jours aussi fastes, auprès des jeunes et des moins jeunes, et ne cesse de se diversifier. Les week-ends ne suffisent plus à faire le tour des vernissages et des spectacles. Là où, il y a quelques années, on obtenait un billet de théâtre sans problème, il faut désormais réserver sans tarder, dès que l’on repère un spectacle. Idem pour les restaurants, que certains évitent désormais le samedi soir tant ils sont bondés.
Millefeuilles crémeux et gymnastique
S’il y a une chose qui fait succomber les Tunisiens, toutes générations confondues, c’est la gourmandise et, en ce domaine plus qu’en tout autre, l’offre contente aussi bien les envies de grignotage que les repas gourmets. L’attrait de la bonne chère est si fort qu’il en devient un problème de santé publique. Jaouida, mère de famille de 33 ans, confirme qu’« une sortie n’en est pas une sans un millefeuille crémeux, une glace à l’italienne ou un fricassé » [beignet salé farci, NDLR]. D’autres explorent le dernier sushi-bar, à moins qu’ils se décident pour un restaurant proposant une cuisine du terroir revisitée, comme le couscous aux fanes de fenouil.
En Tunisie, comme dans la plupart des sociétés urbaines, alors que les « urban seniors » s’adonnent à la marche, beaucoup de trentenaires et de quadras font du sport et prennent soin de leur corps. Fini les salles plus ou moins aménagées et défraîchies ; désormais, on se défoule dans des espaces gym design, pimpants, équipés du matériel le plus sophistiqué. « Ce sont aussi des lieux où l’on se retrouve entre nous, où l’on prend plaisir à arborer des tenues de marque, signe de reconnaissance des “sport addicts” », reconnaît Dorra, abonnée à un club à la mode.
Des bike parks apparaissent un peu partout, offrant des pistes de VTT, de skate et de roller pour les jeunes riders. Les amateurs de sensations fortes et les plus aisés iront découvrir le parcours d’aventures « accropalme » et ses tyroliennes suspendues entre les palmiers, ouvert l’an dernier à Tozeur. Les moins téméraires se contenteront de faire un tour dans les parcs d’attractions pour petits et grands, qui attirent les familles en mal de divertissements.
Des fêtes à tous prix
Mais c’est dans la « night » que les Tunisiens trouvent le plus de jaou. Ils sont réputés pour être fascinés par la vie nocturne et pour apprécier les soirées où l’on rit, danse et s’amuse. Pas une fête sans musique : la variété orientale mène le bal, au détriment du rock et des slows des années 1970. Beaucoup de soirées s’organisent entre amis, où chacun apporte ses boissons et sa bonne humeur.
Avec la saison estivale, les Tunisiens deviennent alors des noctambules invétérés. Les discothèques ne désemplissent plus et il est de bon ton d’avoir sa table dans des lieux aux noms évocateurs tels que Le Maxximum, à Tunis, ou Le Manhattan, à Hammamet. La fête y est totale. Des jeunes, étudiants et cadres, s’y adonnent au culte de la tecktonik ou de la house music, avec des looks conformes à la mode du moment.
La fête a un prix : une table revient, au minimum, à 300 euros la soirée, avec une boisson comprise. Les jeunes y laissent l’argent de papa ou une bonne partie de leur petit salaire, « mais ce sont les endroits où il faut paraître et où se constituent les réseaux », souligne Slim, interne en médecine. Le site web jetsetmagazine.net informe des événements à venir et publie des reportages sur ces fêtes branchées, chics et souvent chères.
À propos de réseaux, Facebook est largement mis à contribution pour mobiliser les foules autour des événements les plus festifs. Même l’ambassade américaine s’y est mise : c’est désormais à travers le réseau social qu’elle sélectionne les privilégiés qui participent aux soirées très exclusives qu’elle organise. C’est aussi sur internet que le Club Fechfech bat le rappel pour ses sorties de retour à la nature – le nouveau chic, à Tunis : des week-ends à la découverte du désert ou des plages inaccessibles au commun des mortels, où les véhicules tout-terrain se réunissent pour partir à l’assaut de pistes improbables.
Le ramadan, en plein mois d’août cette année, ne freinera pas l’industrie des loisirs. Entre festivals, sorties et frénétiques parties de cartes, les Tunisiens vivront encore plus volontiers la nuit.
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