Moncef Belkhayat : « Produire des champions et donner du plaisir aux Marocains »

L’organisation des 1ers Jeux africains de la jeunesse, au Maroc, du 13 au 18 juillet, s’inscrit dans une stratégie nationale. Objectif : retrouver le chemin du succès.

Le 6 juillet, à Casablanca. © Jean-Michel Ruiz pour J.A.

Le 6 juillet, à Casablanca. © Jean-Michel Ruiz pour J.A.

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Publié le 16 juillet 2010 Lecture : 5 minutes.

 Jeune Afrique : Pourquoi ces jeux, et qu’est-ce qui a présidé au choix du Maroc pour les accueillir ?

Moncef Belkhayat* : Avec dix-sept disciplines au programme, ces jeux sont en quelque sorte les premiers Jeux olympiques africains. Grâce à eux, juste après la Coupe du monde de football qui s’achève et qui a mis l’Afrique à l’honneur, un millier de sportifs du continent vont pouvoir se préparer aux Jeux olympiques de la jeunesse, qui auront lieu du 14 au 26 août à Singapour.

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L’Association des comités nationaux olympiques d’Afrique, l’Acnoa, a été séduite par la nouvelle stratégie du Maroc, qui consiste à être candidat à l’organisation de grands événements, comme la Coupe d’Afrique des nations en 2015 et 2017. Ses membres ont trouvé que notre pays disposait d’infrastructures de qualité et ont été convaincus par le volontarisme de nos responsables. Le Maroc veut s’imposer aujourd’hui comme un pivot important sur le continent, un trait d’union entre les jeunesses des différents pays africains.

Combien coûtent ces jeux et, au-delà de l’image du pays à l’étranger, que lui apporte l’organisation de grands événements sportifs?

Le financement est pris en charge par le Comité olympique marocain et le ministère de la Jeunesse et des Sports, avec une contribution de l’Acnoa. Le budget global sera d’environ 3,2 millions d’euros. Il permettra d’offrir, en marge des compétitions, des activités culturelles et de socialisation, gratuites et ouvertes à tous, qui seront l’occasion de faire découvrir les différents pays. Dernièrement, nous avons organisé la Coupe du monde de karaté pour les jeunes et les espoirs. Nous avons réussi un très beau Trophée de golf Hassan-II, qui nous a permis de faire partie de l’European Tour. À Marrakech, nous avons inscrit le circuit automobile au niveau de la Formule 2. Et, à la fin de l’année, nous accueillerons les Championnats du monde junior de judo à Agadir.

Tout cela nous oblige à préparer des cahiers des charges et à les exécuter dans les temps. Le meilleur exemple est notre candidature à l’organisation du Mondial 2010. Nous avons réalisé tout ce qui était prévu et fait des progrès considérables: nos infrastructures routières se sont développées, les stades sont prêts, la capacité hôtelière a doublé, des hôpitaux ont été construits, Royal Air Maroc a ouvert plusieurs lignes vers l’Afrique et l’Europe, et nous assistons à une explosion des télécommunications…

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En prenant vos fonctions l’an dernier, vous avez dressé un bilan critique de l’état du sport et de sa gouvernance…

C’était objectif. Ces dix dernières années, le sport marocain a connu des difficultés en termes d’infrastructures, de formation et de résultats. Nous avons fait un diagnostic complet lors des Assises nationales du sport [fin 2008, NDLR] en nous inspirant des orientations données par le roi, qui sont pour nous une véritable feuille de route.

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Notre stratégie est devenue nationale : nous avons associé le gouvernement, les fédérations, le comité olympique, les anciens sportifs, la presse spécialisée, et, à partir des contributions de chacun, avons optimisé notre vision et mieux défini nos objectifs. Nous avons lancé de nombreux programmes rapidement – clubs de proximité, centres de formation, réouverture de l’Institut royal de formation des cadres de la jeunesse et des sports… – et nous avons mis en place les premiers brevets d’éducateur sportif. C’est un programme qui prendra un peu de temps, de 2011 à 2016, mais je suis sûr qu’en retournant aux fondamentaux on relèvera le défi de produire des champions et, surtout, de donner du plaisir aux Marocains.

Justement, quelle est la place du sport dans la société marocaine ?

Le Maroc n’est pas une nation où la culture du sport est véritablement développée. Les gens s’y intéressent sur le plan « théorique », mais, sur le plan « physique », il n’y a pas beaucoup de pratiquants. On compte seulement 150 000 licenciés, soit moins de 0,3 % de la population. Le but est de développer une culture du sport. Dans le cadre des contrats objectifs avec les fédérations, nous nous sommes fixé de porter à 500 000 le nombre de licenciés à l’horizon 2016. Nous avons aussi signé des conventions avec le ministère de l’Éducation nationale pour ouvrir des lycées sportifs. Enfin, nous avons l’intention de ramener le sport dans les quartiers. C’est un enjeu social important de permettre aux jeunes de consacrer leur temps libre à une activité sportive plutôt que de rester oisifs. Malheureusement, la pression immobilière a été néfaste à la pratique du sport : il est sorti des villes et nous sommes en train de l’y ramener.

Les Marocains se posent une question : où sont passés les champions ?

Depuis les années 1980, le sport international a beaucoup changé. Quand on a eu deux médailles d’or à Los Angeles, en 1984, on était dans le top 20 des nations sportives. À Pékin, en 2008, si vous aviez deux médailles d’or, vous étiez dans le top 80. Tous les pays se sont mis au travail, la concurrence est rude et il est donc plus difficile de s’imposer. Cela étant dit, il n’y a pas moins de champions. Le Maroc s’est par exemple beaucoup développé sur des sports comme le karaté, le taekwondo, le judo. Ça a marché parce qu’il y avait une politique de proximité et que des privés ont ouvert des petites salles dans les quartiers. En même temps, on continue de mettre toute notre énergie dans le développement des sports plus « classiques » :l’athlétisme, avec l’ouverture d’un grand centre de formation à Ifrane, et le football, avec un centre de formation dans tous les clubs de première division.

Comment concurrencer les pays prêts à payer pour attirer les champions marocains sous leurs couleurs ?

D’abord, il faut que les jeunes sentent qu’il y a ici un sport structuré et des moyens d’entraînement à leur disposition. Par ailleurs, à la fin de l’année, nous allons mettre en place une loi pour régir les aspects du sponsoring, du marketing, de l’audiovisuel et la question des intermédiaires. Ces derniers ne pourront désormais agir que dans le cadre de limites légales. Par exemple, un intermédiaire ne pourra pas signer ou faire signer un jeune qui n’est pas majeur. À leur majorité, les sportifs sont libres, mais je crois que, de plus en plus, les Marocains ont envie de concourir pour leur pays et de brandir leur drapeau.

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*Ministre marocain de la Jeunesse et des Sports

Retrouver la présentation complète des Jeux sur jeuneafrique.com et ici.

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