Adieu Mustapha Bouteflika

Après plusieurs mois de lutte contre le cancer, Mustapha Bouteflika, 57 ans, frère et médecin du chef de l’État, est décédé, le 2 juillet, à Alger.

Mustapha Bouteflika (à g.) avec Zinedine Zidane et son frère, le président Abdelaziz Bouteflika. © AFP

Mustapha Bouteflika (à g.) avec Zinedine Zidane et son frère, le président Abdelaziz Bouteflika. © AFP

Publié le 13 juillet 2010 Lecture : 2 minutes.

Même si la lente évolution du mal qui rongeait Mustapha Bouteflika avait préparé la fratrie à l’inéluctable séparation, le coup est rude. Après plusieurs mois de lutte contre un cancer du poumon, le frère et médecin d’Abdelaziz, le président, s’est éteint le 2 juillet, à Alger. Un an après la disparition de leur mère, Mansouriah Ghezlaoui.

De seize ans plus jeune que le chef de l’État, Mustapha était néanmoins l’aîné des quatre frères d’Abdelaziz (les autres se prénommant Abdelghani, Saïd et Nasser) et sans doute le moins connu. Né en 1953 à Oujda, il a grandi à El-Biar, sur les hauteurs d’Alger, dans la résidence d’État attribuée à Abdelaziz Bouteflika, alors ministre des Affaires étrangères.

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Il ressemblait très peu aux jeunes de son quartier, fils de la nomenklatura. Pas de bling-bling ni de frasques dans les boîtes de nuit. La première fois que je l’ai rencontré, c’était à la Perrine, nom donné à la faculté de médecine d’Alger, qu’il avait fréquentée au milieu des années 1970, et il n’était pas du genre à trop afficher le patronyme. « Quand les longues nuits de veille de préparation des examens l’avaient affligé d’une addiction au tabac, raconte un ancien camarade d’amphi, il avait choisi de fumer des Algeria sans filtre, le bas de gamme en matière de cigarettes. » Trente ans plus tard, Mustapha, devenu médecin du président, avait toujours un paquet de Afras (marque algérienne de tabac encore moins prestigieuse que les Algeria) à portée de main.

Au début des années 1980, Abdelaziz Bouteflika est contraint à l’exil, Mustapha veille sur le clan. Son diplôme de spécialiste en ORL lui permet de trouver un poste dans le secteur public et de contribuer au maigre budget familial. Il fait le tour des établissements hospitaliers de la région d’Alger pour s’installer à Aïn Benian, sur la côte, à l’ouest de la capitale.

Revenu aux affaires, en 1999, Abdelaziz Bouteflika nomme Mustapha médecin du président de la République. Son nouveau statut heurte l’humilité qui l’a toujours caractérisé. Il entretient son anonymat et continue de fréquenter les milieux populaires. Isolé dans la tour d’ivoire où confine le pouvoir, Abdelaziz Bouteflika sollicite souvent Mustapha pour un avis. Devenu l’œil du président dans et sur le monde réel, l’analyse de Mustapha était appréciée. Outre sa lucidité, il savait jusqu’où aller avec son grand frère. Mustapha n’a pas attendu les problèmes de santé d’Abdelaziz, en novembre 2005, pour devenir un rouage essentiel dans la machine Bouteflika.

Avoir son frère pour patient n’est pas évident pour un praticien, aimait-il à répéter, surtout si ce frère est président de la République. » Un jour, je lui ai demandé si le patient Abdelaziz était particulièrement difficile et, entre deux bouffées d’Afras, de sa voix douce et à peine audible, il m’a répondu : « Tu veux que je viole un secret médical et un secret d’État ? Je ne transgresserai ni l’un ni l’autre si je te dis que je serai toujours à ses côtés, en tant que frère, ensuite en tant de médecin, et toujours en qualité de compagnon. » Le terme arabe utilisé par Mustapha est « anis », difficilement traduisible. Il signifie à la fois celui qui accompagne, celui qui protège, celui qui écoute, celui qui parle, celui qui divertit, celui qui ne quitte jamais…

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On comprend pourquoi le coup est si rude.

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