Ils se parlent
Le chef de l’État, Mohamed Ould Abdelaziz, esquisse un timide début de dialogue avec l’opposition. Un an après son élection, il était temps.
Entre Mohamed Ould Abdelaziz et les ténors de l’opposition mauritanienne, la muraille semblait insurmontable. Pendant un an, ils ne se sont ni adressé la parole ni serré la main, ont exposé leur détestation réciproque sur la place publique et évité de montrer la moindre disposition au rabibochage. Pourtant, le 29 juin, Boidiel Ould Houmeid, à la présidence tournante de la Coordination de l’opposition démocratique (COD), coalition des principaux partis d’opposition, a été reçu par le chef de l’État. À l’initiative de ce dernier. Les services de la présidence ont informé Boidiel Ould Houmeid le matin même. Le rendez-vous a commencé à 14 heures. « C’était cordial, sympathique, respectueux, tout ce que vous voulez », témoigne-t-il. « Aziz » a surtout donné des garanties à son invité. Celui-ci l’assure : « Il m’a clairement dit qu’il était prêt au dialogue avec l’opposition. »
La promesse répond à l’exigence première de la COD : le respect de « l’accord de Dakar ». Signé en juin 2009 par les détracteurs et les partisans d’Aziz pour débloquer une situation politique paralysée depuis le putsch du 6 août 2008, le texte prévoit un « dialogue national inclusif » entre « toutes les forces politiques mauritaniennes ». Les sujets qui doivent être abordés dépassent les clivages politiques : rôle de l’armée, bonne gouvernance, code électoral…
Mais depuis son élection, en juillet 2009, le chef de l’État n’a pas montré l’intention d’organiser de telles concertations. Les ténors de l’opposition ayant dénoncé des fraudes lors du vote puis boycotté son investiture, le 5 août 2009, il ne juge pas nécessaire de prendre en compte leur avis. Il ne reçoit pas les principaux représentants de l’opposition, pas même son chef de file institutionnel, Ahmed Ould Daddah, à la tête du Rassemblement des forces démocratiques (RFD). Résultat : l’opposition considère que l’accord de Dakar – « seule référence », selon Mohamed Ould Maouloud, le président de l’Union des forces de progrès (UFP) – est bafoué, et elle espère faire démissionner sa bête noire. Blocage…
Premiers petits pas
Pourquoi le chef de l’État a-t-il changé d’avis ? La décision n’est pas subite. En juin déjà, Aziz avait fait un pas en recevant Yahya Ould Ahmed Waghf, ex-Premier ministre, proche du président déchu et président de l’Adil, parti le soutenant à l’époque. Mais aucun engagement n’avait été rendu public. Cette fois-ci, une étape est franchie.
La communauté internationale n’y est pas pour rien. « Marraine » de l’accord de Dakar, elle n’en a pas fait un suivi étroit comme prévu. Les diplomates en poste à Nouakchott ont néanmoins déjà signifié au chef de l’État qu’un « dialogue national inclusif » serait bienvenu. « Je le lui ai déjà fait remarquer et je le dis à chaque ministre », témoigne l’un d’eux. Des suggestions polies qui ont fini par faire leur effet.
Autre explication : le premier anniversaire de son élection approchant (le 18 juillet), Aziz, solidement assis dans son fauteuil de chef d’État, a désormais les coudées assez franches pour donner un signe d’apaisement.
Enfin, il n’a pas choisi les « durs » de l’opposition pour annoncer un dialogue, comme Ahmed Ould Daddah, Messaoud Ould Boulkheir (le président de l’Assemblée nationale et leader de l’Alliance populaire progressiste, APP), qui a récemment appelé à la « chute » du régime), ou Mohamed Ould Maouloud, qui le compare à un « dictateur ». Boidiel Ould Houmeid, lui, ne remet pas en question l’élection d’Aziz. Les deux hommes se connaissent. Lors du putsch de 2008, le premier était ministre-secrétaire général à la présidence, et le second le chef d’état-major particulier du président qu’il allait renverser. Quelle sera la prochaine étape ? « Aziz a promis de voir d’autres partis d’opposition », assure Boidiel Ould Houmeid.
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