Malaise dans les rangs
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François Soudan
Directeur de la rédaction de Jeune Afrique.
Publié le 12 juillet 2010 Lecture : 2 minutes.
C’est ce qu’on appelle une bonne idée mal exploitée. Faire défiler cinq cents militaires africains sur les Champs-Élysées le 14 juillet de l’année du cinquantenaire des indépendances, en hommage à leurs aînés des deux guerres mondiales morts pour la France et si injustement effacés de la mémoire collective, cela ne manquait ni d’allure ni d’à propos. Certes, une batterie d’ONG françaises et africaines – ces dernières n’étant en réalité que les faux nez d’oppositions bien réelles – sont montées au front pour pointer la présence sous uniforme de présumés spadassins susceptibles de souiller avec leurs godillots le pavé de la capitale des droits de l’homme. Une logique qui, tant qu’à faire, aurait dû les conduire à interdire de défilé la Légion, les parachutistes et la quasi-totalité de l’armée française, dont les drapeaux arborent comme autant de trophées le souvenir de sanglantes batailles livrées aux peuples colonisés. Nul n’y a songé, bien sûr, et ce n’est pas de cette escarmouche somme toute prévisible que vient le malaise. Le problème est qu’après avoir décidé de faire de ce 14 Juillet 2010 le point d’orgue d’une année de commémorations Paris ne donne pas l’impression d’en assumer la charge symbolique. Le manque d’intérêt manifesté par l’opinion française pour ce cinquantenaire, la faible visibilité de la mission confiée dans ce cadre à Jacques Toubon et le peu d’engouement populaire rencontré jusqu’ici en Afrique même par les anniversaires de cette année historique n’expliquent pas tout. C’est un Nicolas Sarkozy au creux de la vague politique que ses pairs des treize ex-colonies s’apprêtaient à rencontrer le temps d’un déjeuner, d’un discours que l’on hésite à qualifier de nouveau tant il y en a eu, et d’une parade militaire au cours de laquelle il aura, n’en doutons pas, la tête ailleurs.
La tête à quoi ? Aux affaires, à la présidentielle incertaine de 2012 et peut-être un peu aux états d’âme de l’ambassadeur Rufin, trop promptement relayés par les anciens ministres Védrine et Juppé (lesquels n’ont pas laissé, en Afrique, que de bons souvenirs) pour que cela n’ait pas l’air d’un hallali sonné autour d’un Kouchner aux abois. Ce n’est pas tant d’ailleurs ce que dit l’ancien ambassadeur de France au Sénégal qui surprend (les lecteurs attentifs de J.A. n’ignoraient rien de la marginalisation progressive du Quai d’Orsay au profit de l’Élysée sur certains dossiers sensibles) que la mise en scène pailletée de son « outing ». Vu des rives de l’Oubangui, où mes pas m’ont conduit la semaine dernière, ce dernier épisode de la saga françafricaine avait quelque chose de futile et de lassant. Comme un médiocre sketch de théâtre aux armées, un soir de 14 Juillet…
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