Frankétienne dans le chaos d’Haïti
Couverture du roman Les Affres d’un défi, de Frankétienne.
Publié le 15 juillet 2010 Lecture : 1 minute.
Frankétienne est un monument de la littérature haïtienne. Romancier, poète, dramaturge, comédien, chanteur et peintre, l’homme domine du haut de ses 74 ans la scène culturelle de son pays, qu’il n’a jamais abandonnée, alors que la plupart des écrivains haïtiens se sont exilés, fuyant la dictature duvaliériste, la misère, le chaos. L’auteur de L’Oiseau schizophone (1998) a au contraire puisé dans le chaos d’Haïti le souffle d’une œuvre vertigineuse et polygraphe (en français et en créole) qui fait éclater les cadres traditionnels de la narration et donne à voir dans une langue puissante et inventive la passion de son peuple supplicié, pris dans la lave en fusion de l’Histoire.
Cette passion est au cœur de son roman Les Affres d’un défi, que Vents d’ailleurs réédite. « Dormir avec l’espoir que la lumière drainera nos angoisses nocturnes. Se réveiller loin des songes désentravés, le corps enlépré de solitude. Regarder l’immensité des déserts inarpentés… » Ainsi vivent les personnages zombifiés de ce récit d’exploitation et de misère. Les exploiteurs ont pour noms Saintil, le grand propriétaire terrien, et Zofer, son contremaître. Le duo règne sur une horde de campagnards maintenus dans un état comateux pour en faire des esclaves dociles.
Mais la révolte éclate le jour où la fille de la maison, tombée amoureuse d’une des victimes de la cruauté de son père, la ressuscite en lui offrant le sel de la vie… Publié d’abord en créole en 1972, ce roman illustre avec brio l’écriture « spirale » de Frankétienne, qui refuse la linéarité pour mieux toucher « la multipluralité de la vie ».
