Pourquoi Hanoi et Kuala Lumpur ont laissé Alger à la traîne
Le paradoxe algérien
L’économie algérienne fait du surplace. Car on ne peut qualifier autrement un taux de croissance médiocre de 3 % quand on a injecté en cinq ans 200 milliards de dollars en infrastructures de toutes sortes, routes, voies ferrées, barrages, usines de dessalement d’eau de mer, logements, etc.
Pour tenter de comprendre les raisons de cette absence de réactivité, un détour par l’étranger s’impose, afin d’y trouver des fondamentaux comparables qui réussissent, eux, à créer de la richesse.
Prenons un pays qui aurait pu être tenté de se raidir dans un patriotisme économique ombrageux – comme l’Algérie –, puisqu’il a gagné deux guerres de libération nationale, contre la France et les États-Unis : le Vietnam. La patrie de Ho Chi Minh a inventé un « communisme de marché » qui lui vaut des taux de croissance supérieurs en moyenne à 5 % par an, alors qu’elle n’est pas particulièrement avantagée en termes de ressources naturelles et que la taille de sa population (86 millions d’habitants) pouvait se révéler un handicap. Elle a choisi en 1987 de remiser l’économie socialiste au musée. En vingt ans, le taux d’extrême pauvreté (moins de 1,08 dollar par jour) y est tombé de 70 % de la population à 11 %.
L’autre pays est musulman à 60 % et l’on y a récemment encore donné la bastonnade à une jolie mannequin qui avait consommé publiquement de la bière, expression d’un climat conservateur peu propice à l’initiative en général : la Malaisie. Son Premier ministre, Najib Razak, a lancé, le 10 juin, un plan quinquennal de 69 milliards de dollars, dont l’objectif est de porter la croissance annuelle à 6 % en moyenne. Certes, la population malaisienne est moins nombreuse (28 millions d’habitants) que la population algérienne, mais on reste stupéfait qu’un plan impliquant trois fois moins de dépenses que le plan de l’Algérie génère une croissance deux fois supérieure.
L’explication de ces évolutions divergentes tient au pilotage des économies du Vietnam et de la Malaisie, qui se distingue sur trois points stratégiques de ce qui est pratiqué à Alger – à corruption égale dans les trois pays…
La première différence tient à l’ouverture internationale sans faille que Hanoi et Kuala Lumpur ont conduite contre vents et marées. En 1995, le Vietnam a adhéré à l’Association des nations du Sud-Est asiatique (Asean). En 1999, il a signé un accord commercial avec les États-Unis. En 2007, il est entré à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), ce qui lui a valu une explosion de ses exportations et 11 milliards de dollars d’investissements étrangers par an, près de quatre fois plus que l’Algérie. La Malaisie, elle, ne rate jamais une occasion de dénoncer publiquement les turpitudes de l’Occident, mais se livre à une lutte au couteau avec la Chine pour commercer avec celui-ci.
Deuxième différence : une vraie diversification de l’économie. La Malaisie aurait pu se cantonner dans l’exportation d’huile de palme et de caoutchouc, d’étain et de pétrole. Or Kuala Lumpur est devenu une place financière reconnue : on y fabrique des voitures ; ses cliniques accueillent les Occidentaux qui veulent se faire opérer pour pas cher ; une Silicon Valley y est en formation. Même évolution au Vietnam, qui a choisi de ne pas se limiter à fabriquer des chaussures et a misé sur tous les compartiments : café (il est le premier producteur mondial de robusta), caoutchouc, mais aussi produits électroniques, dans la région de Hue, et tourisme.
Troisième différence : le capitaine n’a jamais changé de cap. Que ce soit le parti communiste à Hanoi ou le « père » de la nation – Mahathir Mohamad, jusqu’en 2003 – à Kuala Lumpur, ils ont maintenu le choix de l’entreprise privée, même dans la tempête de 1997. La Malaisie n’a certes pas appliqué les prescriptions du Fonds monétaire international (FMI), mais elle a réintroduit l’anglais dans ses enseignements scientifiques et autorise les étrangers à posséder 100 % du capital des entreprises malaisiennes. Banque mondiale et FMI ne tarissent pas d’éloges sur le Vietnam, qui ne revient pas sur ses engagements, lui.
À bon entendeur…
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