La dernière de Shrek

Le chef du groupe parlementaire du PJD, Mustapha Ramid, a annoncé sa démission de la Chambre des représentants… pour y renoncer trois jours plus tard. Bizarre.

Le tonitruant Mustapha Ramid (à d.), alias Shrek. © AIC PRESS

Le tonitruant Mustapha Ramid (à d.), alias Shrek. © AIC PRESS

Publié le 6 juillet 2010 Lecture : 2 minutes.

Qu’arrive-t-il au Parti de la justice et du développement (PJD) ? La formation islamiste multiplie ces derniers temps couacs, incongruités et dérapages, au risque de dilapider le capital de respectabilité qu’elle a laborieusement accumulé. La dernière bévue est l’œuvre de Mustapha Ramid, le président de son groupe parlementaire. Il décide, le lundi 28 juin de… « démissionner » de la Chambre des représentants pour protester contre la « marginalisation de l’institution ». Et y renonce mercredi.

C’est l’interdiction d’une caravane médicale qui a provoqué l’ire du tonitruant député. Organisée à l’initiative d’une association animée par son cousin, elle devait se tenir dans son patelin, mais n’a pas reçu les autorisations nécessaires – faute de les avoir demandées ! Il n’empêche, le député y a vu une avanie, à laquelle il fallait répondre sans tarder. L’attitude indéfendable de l’initiative n’échappe à personne, et en particulier à ses amis et aux dirigeants de son parti, qui l’ont amené à se calmer.

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La cinquantaine, fort en gueule, un gabarit de portefaix… L’outrance fait partie du style de celui qu’on surnomme « Shrek ». Avocat des djihadistes, réclamant l’application de dispositions barbares de la charia, il se distingue, dans une mouvance islamiste préoccupée avant tout par son intégration dans la classe politique. Mais il s’agit plutôt d’une distribution des rôles que de divergences de fond.

On l’a bien vu lors du festival Mawazine (Rabat, 21-29 mai) qui accueillait, entre autres stars, Julio Iglesias, Mika, Carlos Santana, Elton John… Pour des raisons mystérieuses, le PJD a concentré ses foudres sur le chanteur britannique, devenu l’incarnation de tous les démons. Estimant que sa prestation « encourageait l’homosexualité », il a réclamé son bannissement et cherché à avoir l’aval du Parlement ! Seul résultat, Dieu merci, Elton John a fait un tabac devant des milliers de jeunes aux anges…

Quelques semaines après, c’est au tour d’Abdelilah Benkirane, le secrétaire général du PJD, de monter au créneau. Devant le congrès du Mouvement populaire (MP), il a classé les partis en deux catégories. Les légitimes – Istiqlal, USFP, MP et, bien sûr, PJD – et les autres – qui souffrent d’un déficit de légitimité, à commencer par le Parti Authenticité et Modernité (PAM), dirigé par Fouad Ali El Himma, l’« ami du roi ». Riposte vigoureuse des intéressés, qui y voient une atteinte aux principes du multi­partisme.

Comme Le Pen

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Mais que cherche le leader islamiste ? Il y a du Jean-Marie Le Pen chez Abdelilah Benkirane. Comme le chef de l’extrême droite en France, le leader islamiste s’essaie à des provocations calculées pour faire parler de lui et exister. Du bannissement d’Elton John à l’excommunication d’El Himma, le PJD joue avec le feu. S’il est en phase avec des milieux conservateurs du Maroc éternel, il risque de s’aliéner un autre Maroc, travaillé de plus en plus par les valeurs de la modernité. Et de voir la flamme du parti de la lampe (symbole du PJD) vaciller avant de s’éteindre.

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