Dans les coulisses d' »Africa Star »

Problèmes financiers, difficultés techniques… La deuxième saison du télé crochet panafricain n’a pas été un long fleuve tranquille. Reportage.

Les candidates Sylva, Nuella, Viviana et Foly Nedy (de g. à dr.) lors de la demi-finale du 19 juin. © Amors pour grand poucet production.

Les candidates Sylva, Nuella, Viviana et Foly Nedy (de g. à dr.) lors de la demi-finale du 19 juin. © Amors pour grand poucet production.

Publié le 5 juillet 2010 Lecture : 4 minutes.

Cet article, publié le 27 juin dans Jeune Afrique, a été rédigé avant la désignation de la gagnante, l’Ivoirienne Nuella.

« On va enfin réaliser une belle émission ! » En cette matinée du 19 juin, Sylvain Feldman, le réalisateur d’Africa Star, se veut optimiste. L’équipe d’une centaine de techniciens et de musiciens est prête à accueillir les candidats du programme de téléréalité consacré aux jeunes chanteurs d’Afrique. Les répétitions ont lieu à l’Institut national polytechnique Félix-Houphouët-Boigny, à Yamoussoukro, en Côte d’Ivoire.

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S’enchaînent les répétitions sous l’œil avisé du chorégraphe, Bernard Lebeau, et de la coproductrice, Charlotte Delachaux. L’émission rendra hommage à Michael Jackson, le roi de la pop. Une soirée où l’on doit aussi procéder à l’élimination de deux candidats sur les huit encore en lice, avant la finale prévue le 26 juin. Les jeunes talents en herbe croient encore tous à leur bonne étoile. « Je suis un peu tendue, avoue Sylva, candidate sénégalaise. C’est toujours comme ça avant le direct. » Son interprétation d’un titre de Brenda Fassie est pourtant fort réussie, tout comme la prestation du Béninois Rock Herman, visiblement inspiré par Marvin Gaye.

Dans l’après-midi, Claudy Siar, l’animateur et coproducteur de l’émission, vient roder ses enchaînements et donner les derniers conseils aux chanteurs : « Regardez la caméra. Vous chantez pour la télévision. » Le programme est diffusé en direct sur vingt-cinq télévisions africaines et sur plusieurs autres chaînes du monde (France Ô, Africable, Télésud, etc.).

Le soir, le show débute à 21 h 30. L’animateur de Couleurs tropicales, sur RFI, fait son entrée au pas de course sous les applaudissements des étudiants ivoiriens et le son de la vuvuzela sud-africaine. Les candidats entonnent en cœur Africa Unite, l’hymne du programme.

La veille de l’émission, on a pourtant frôlé la catastrophe. Les jeunes talents, fortement éprouvés par quatre mois difficiles et stressés par l’enjeu final, ont menacé de boycotter le show pour des histoires de primes. Une péripétie de plus dans une saison difficile commencée à Dakar au mois de mars.

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Caisses vides

Avant même son lancement, le programme connaît sa première polémique. La gagnante de la sélection sénégalaise, Sylva, est écartée au profit de sa dauphine. Motif : elle serait bissau-guinéenne. Vérification faite, la charmante chanteuse est bel et bien sénégalaise. Elle appartient simplement à l’ethnie manjaque, originaire du pays voisin. Elle sera donc réintégrée dans ses droits.

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Après quelques jours de répétition, les quatorze candidats en lice sont enfin prêts pour le premier prime de la saison­ II en présence d’invités prestigieux, comme le Jamaïcain Sean Paul et le Congolais Fally Ipupa. Une deuxième puis une troisième émission sont diffusées avant que les premières difficultés voient le jour. « Je ne veux pas entrer dans les détails, indique Claudy Siar. Mais les promesses financières n’ont pas été tenues. » Il semble que la fête du cinquantenaire de l’indépendance du Sénégal ait vidé les caisses des sponsors.

À court de financement, les producteurs ne parviennent plus à payer leurs équipes. Et se voient dans l’obligation d’annuler la quatrième émission. L’enthousiasme de la première saison réussie au Gabon retombe. Le plateau technique installé à Dakar est démonté… On cherche un point de chute, que l’on croit trouver à Libreville. Les candidats et le staff partent pour le Gabon. Pour maintenir la flamme, ils suivent des cours de chant avec Pierre Akendengue, l’icône nationale. Mais, hélas, les discussions avec l’État gabonais n’aboutissent pas.

Jusqu’à ce qu’Asalfo, le lead vocal de Magic System, trouve une issue favorable. Il approche son ami Charles Blé Goudé, le leader des Jeunes patriotes reconverti dans les affaires avec sa société Leader’s Team Associated. Ce proche du pouvoir ivoirien, passionné de musique, obtient l’appui du président Laurent Gbagbo.

Toute l’équipe débarque alors à Yamoussoukro pour réaliser les trois derniers primes. Les candidats se remettent au travail avec un nouveau professeur de chant, la belle Annabelle Abass. La production reprend tout de zéro avec des techniciens nigérians, français et ivoiriens, un chef-opérateur sud-africain… La mayonnaise a un peu de mal à prendre et l’émission de reprise débute avec deux heures de retard. Qu’importe, le rappeur Billy Billy et le duo Yodé & Siro sont venus prêter main-forte aux jeunes talents. Ce soir-là, il se passe incontestablement quelque chose entre la candidate togolaise Foly Nedy et le Congolais (RD Congo) Isso au cours de leur interprétation de Savoir aimer, de Florent Pagny. Un beau souvenir, comme celui de la reprise du célèbre titre Malaïka, de la défunte Miriam Makeba, par le duo du Malien Toumani et de l’Ivoirienne Nuella.

Hystérie collective

Le pays de Houphouët-Boigny se prend alors à rêver de la victoire de Nuella. Opérée trente-six fois en Italie d’une malformation à la jambe, son parcours est un combat quotidien. Pour le deuxième prime, son interprétation de Ready or Not, des Fugees, déclenche une véritable hystérie collective. Tout comme la reprise du succès de Jacques Brel Ne me quitte pas par le Camerounais Guy Michel. Autre grand moment : le show de Rock Herman et d’Isso sur Billie Jean.

L’heure fatidique approche. Claudy Siar rend le verdict que lui tend l’huissier à l’issue du vote du public*. Isso et Viviana, la Cap-Verdienne, doivent quitter l’aventure. La grande famille se précipite pour les consoler. Des plaies que tentera aussi d’effacer le régisseur de la troupe, Zié Coulibaly : « Cette saison n’a pas été facile pour eux. Ils sont jeunes et se voient vite en haut de l’affiche. On doit en permanence leur faire comprendre que le parcours d’un artiste est jalonné d’obstacles. Leur réussite passe par le travail et l’humilité. »

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* Les votes sont réalisés par textos dans les pays africains de diffusion.

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