Droits de l’homme : Amnesty rend son verdict
Détentions arbitraires, sort des clandestins subsahariens, justice… Pour la première fois depuis cinq ans, l’ONG a pu enquêter sur la situation des droits de l’homme.
De nationalité nigériane, Juliana Okoro est détenue dans le quartier des femmes de la prison de Jdeida, à Tripoli, en Libye. Soupçonnée d’assassinat, elle a été arrêtée en 2000, jugée puis condamnée à mort. Il y a deux ans, la Cour suprême a confirmé la peine en appel. Depuis 2000, Juliana n’a pourtant pas eu les moyens de se défendre. Elle n’a jamais pu recourir à un interprète et n’a été assistée d’un avocat que plusieurs années après son arrestation. Aujourd’hui, elle fait partie des quelque cinq cents condamnés qui, selon Belkacem Abdesalam Gargoum, directeur général de la police judiciaire libyenne, attendent dans les couloirs de la mort. Le 30 mai, dix-huit prisonniers ont été fusillés par un peloton d’exécution.
Le témoignage de Juliana a été recueilli par Amnesty International (AI). Pour la première fois en cinq ans, l’ONG a été autorisée, à partir de mai 2009, à enquêter sur la situation des droits de l’homme en Libye. Encadrée par le gouvernement, l’équipe de chercheurs a néanmoins pu visiter, entre autres, trois prisons, où elle s’est entretenue avec plusieurs détenus. Il en a résulté un rapport de plus de 100 pages, publié le 23 juin, portant sur les détentions arbitraires, le sort des clandestins subsahariens et la justice. Un document riche de témoignages, de noms et de chiffres, éléments rarement disponibles dans une Libye cadenassée depuis quarante ans par le régime du colonel Kadhafi.
Parmi les faits édifiants, les cas de double peine. Au nom de la lutte contre le terrorisme, Tripoli coopère avec Washington depuis le 11 Septembre et accueille des ressortissants libyens arrêtés par les États-Unis pour leur appartenance présumée à la nébuleuse djihadiste. Capturé en 2002 à Peshawar par les forces américaines et pakistanaises, Khaled el-Cherif a d’abord été transféré en Afghanistan. Torturé à plusieurs reprises, jamais jugé, il a ensuite été rapatrié dans son pays à son insu. Il a passé cinq ans derrière les barreaux, après avoir été accusé d’appartenir au Groupe islamique combattant libyen (GICL), lié à Al-Qaïda, pour être finalement libéré en mars 2010. « La rhétorique de la guerre contre le terrorisme, souligne Amnesty, a été utilisée par l’État pour justifier […] la répression exercée contre des dissidents politiques et les abus visant des membres réels ou supposés de groupes islamistes armés. »
Regrettant que le retour de la Libye sur la scène internationale ne s’accompagne pas d’une nette amélioration de la situation des droits de l’homme, l’ONG reconnaît cependant que « le climat de peur et de répression […] est manifestement en train de se dissiper ». Tout en précisant : « progressivement ».
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