Les bonnes affaires de Tony Blair
Selon Seif el-Islam Kadhafi, l’ancien Premier ministre britannique travaille avec son père sur des « projets en Afrique » et « joue un rôle de consultant auprès de l’Autorité d’investissement libyenne ».
Quelques heures après avoir démissionné de son poste de Premier ministre en juin 2007, Tony Blair a été désigné comme émissaire spécial du Quartet pour le Proche-Orient, composé des États-Unis, de l’Europe, de la Russie et de l’ONU. « Il y a énormément de travail à faire sur le terrain pour faire avancer la paix » entre Israéliens et Palestiniens, disait-il pompeusement en prenant ses nouvelles fonctions. Très vite, le Quartet s’est révélé n’être qu’une coquille vide destinée à faire durer l’occupation. Blair est officiellement chargé d’encadrer la « gouvernance » au sein de l’Autorité palestinienne, une tâche marginale à laquelle il consacre peu de temps. C’est qu’il a une activité nettement plus lucrative que celle de se préoccuper du sort des Palestiniens : les affaires.
Cette double casquette d’homme politique et de businessman lui sied à merveille, si bien que Seif el-Islam, le fils du « Guide » libyen, juge légitime que l’ancien Premier ministre travailliste cherche à « amasser de l’argent ». Tony Blair, a-t-il révélé dans un entretien au journal britannique Daily Mail, travaille avec Mouammar Kadhafi sur des « projets en Afrique » et « joue un rôle de consultant auprès de l’Autorité d’investissement libyenne [Libyan Investment Authority, LIA] », un fonds étatique libyen qui gère quelque 90 milliards de dollars provenant des revenus pétroliers. « Blair choque beaucoup de gens à cause de l’Irak, ajoute Seif, mais il est bien plus facile d’avoir affaire à la LIA qu’au Moyen-Orient. »
Entretiens sous la tente
Seif el-Islam ayant maintenu ses déclarations au Daily Mail, l’existence de liens d’affaires entre Blair et le régime de Kadhafi semble avérée, malgré les dénégations d’un porte-parole de l’ancien Premier ministre britannique selon lequel ce dernier « ne joue aucun rôle, formel ou informel, auprès de la LIA, et n’a aucune relation commerciale avec des compagnies libyennes, ni aucun projet en Afrique ». Blair a pourtant bien signé, en 2008, un contrat avec la banque américaine JP Morgan, qui l’a chargé, contre une rémunération de 2 millions de livres sterling par an (environ 2,4 millions d’euros), de développer en sa faveur les « opportunités bancaires » en Libye.
C’est alors qu’il était encore Premier ministre que Blair a pris goût à ce mélange des genres, en particulier avec les pays disposant d’une manne pétrolière. Ainsi entretient-il des relations très spéciales avec le « Guide » libyen depuis qu’il l’a « forcé », avec les États-Unis, à démanteler son programme d’armes de destruction massive, en 2003. Après dix-huit ans d’une domination britannique de triste mémoire pendant le règne de la dynastie Senoussi (1951-1969), suivis de trente-cinq ans de relations très tendues avec la Jamahiriya, qui soutenait l’Armée révolutionnaire irlandaise (IRA) et dont les services ont été impliqués dans l’attentat de Lockerbie, en 1988, Blair se rend, en 2004, à Tripoli pour serrer la main du « Guide », scellant la réconciliation entre les deux pays. Cela a permis la conclusion de gros contrats commerciaux et le retour en Libye des compagnies pétrolières britanniques, comme BP. Après son départ du 10, Downing Street, Blair s’est rendu régulièrement en Jamahiriya pour des entretiens sous la tente avec Kadhafi, ce qui fait dire à Seif el-Islam qu’il est désormais « un ami de la famille ».
Le « Guide » libyen, devenu fréquentable, n’en a pas moins réclamé, dans un discours du haut de la tribune des Nations unies, en septembre 2009, à New York, que l’ancien Premier ministre britannique et l’ex-président américain George W. Bush soient tous deux jugés pour les crimes de guerre commis en Irak… Après tout, Kadhafi n’est pas, lui non plus, à une contradiction près.
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