Boni Yayi s’équipe pour 2011

Le chef de l’État a remanié son gouvernement, le 18 juin. Avec une prise de choix : Modeste Kérékou, fils de l’ancien président. Un nom qui vaut de l’or.

Le président béninois Boni Yayi à Cotonou, le 18 juin 2008. © AFP

Le président béninois Boni Yayi à Cotonou, le 18 juin 2008. © AFP

Publié le 5 juillet 2010 Lecture : 5 minutes.

Quatre ans après son arrivée au pouvoir, le chef de l’État béninois, Boni Yayi, fait enfin de la politique. Moins de dix mois avant la prochaine élection présidentielle et sa très probable candidature, il n’avait plus guère le choix. Sans majorité stable à l’Assemblée nationale – il n’a que 35 députés sur 83 sièges et dépend du bon vouloir d’alliés de circonstance –, affaibli par des dissensions entre barons locaux émargeant à la mouvance présidentielle mais avant tout motivés par leur réélection à l’Assemblée nationale, violemment attaqué par l’opposition réunie autour de la bannière de l’Union fait la nation (UN, voir encadré), « le candidat du changement et de la rupture » de 2006 se devait de réagir. C’est chose faite depuis le 18 juin et la présentation d’un quatrième gouvernement.

L’ancien banquier et ex-président de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD) a tenu compte de la situation « pour constituer une équipe de fidèles, de leaders locaux contrôlant leur électorat ou bien encore de personnalités incarnant une ouverture ciblée », explique Amos Elègbè, le conseiller spécial aux Affaires politiques à la présidence. Un savant dosage qui a nécessité de longues tractations et qui a rendu impossible la réduction du nombre de maroquins – maintenus à trente –, malgré l’insistance des partenaires internationaux inquiets de l’envolée des dépenses publiques en ces temps de crise économique.

la suite après cette publicité

Précieuse prise dans ce gouvernement, Modeste Kérékou (Jeunesse, Sports et Loisirs), l’un des trois fils de l’ancien président Mathieu Kérékou. Presque un butin de guerre. Depuis son départ du Palais de la marina, en 2006, le « Caméléon », son surnom au Bénin, s’est muré dans le silence, refusant aussi bien de critiquer que de soutenir son successeur. Mais il arrive au « général-président » de recevoir discrètement un des candidats potentiels, Abdoulaye Bio-Tchané, actuel président de la BOAD, désireux de réemprunter l’itinéraire qui mène de Lomé, où se trouve le siège de la Banque, à Cotonou.

Méfiance totale

« Kérékou n’a jamais été contre nous. Et nous ne faisons rien sans lui ni contre lui », assure un proche du chef de l’État, plutôt fier de pouvoir à présent compter sur un patronyme qui vaut de l’or au Bénin. Et plus particulièrement dans le département de l’Atakora (nord du pays), fief des Kérékou. « Il est normal que la présidence survende un rapprochement, mais parler de soutien est excessif. Le vieux a seulement accordé un bon de sortie à l’un de ses fils », explique un membre de la famille. Il n’empêche, Boni Yayi va pouvoir à présent capitaliser sur cette recrue et ainsi dessiner les contours d’un début de rassemblement autour de sa personne.

Jusqu’à présent, entre maladresses, promesses non tenues et coups de menton, l’exécutif s’est surtout caractérisé par son incapacité à discuter avec la classe politique traditionnelle et à nouer des alliances de gouvernement. En 2006, le vainqueur n’a pas cru bon d’appliquer totalement l’accord – conclu la veille du second tour avec la Renaissance du Bénin (RB), de la famille Soglo, le Parti social démocrate (PSD), de Bruno Amoussou, et le Mouvement africain pour la démocratie et le progrès (Madep), d’Antoine Idji Kolawolé –, prévoyant entre autres une « gestion paritaire du pouvoir ». En 2008, alors qu’une tentative de rapprochement est sur le point d’aboutir avec la RB, la présidence décide finalement de défier l’ex-président, Nicéphore­ Soglo, lors des élections municipales à Cotonou. C’est un échec. Les Soglo tiennent bon et, depuis, la hache de guerre est déterrée. « Boni Yayi a voulu nous éliminer. Nous allons tout faire pour le battre en 2011 », vitupère Rosine Soglo, la présidente de la RB. Au niveau national, plus de 1 600 recours en annulation ont été déposés devant la Cour suprême, il y a deux ans. Beaucoup sont encore en souffrance, et des conseils municipaux toujours pas installés ! La méfiance est totale, la tension palpable.

la suite après cette publicité

Pouvoir de nuisance

Après avoir soutenu l’élaboration d’une Liste électorale permanente informatisée (Lépi) avant la prochaine présidentielle, l’opposition fait à présent barrage et demande une pause, dénonçant des tentatives de fraude orchestrées par le pouvoir au moment de la cartographie et du recensement de la population. Les partenaires internationaux qui supervisent le processus, dont le coût dépasse les 23 milliards de F CFA (35 millions d’euros), s’inquiètent. En visite au Bénin du 12 au 14 juin, le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, en a appelé « à la responsabilité de chacun pour organiser des élections inclusives ». Non sans raison, le pouvoir dénonce les « manœuvres dilatoires » de l’opposition – aux manettes avant l’arrivée de Boni Yayi –, qui aurait tout à craindre d’un rafraîchissement du fichier électoral. Depuis la Conférence nationale de 1990, tous les scrutins se sont déroulés à partir de listes manuelles réactualisées. Et, selon un proche du dossier, le PSD dans les départements du Mono et du Couffo et le PRD dans l’Ouémé (sud du pays) – le fief du candidat UN à la présidentielle, Adrien Houngbédji – seraient les principales victimes du « nettoyage en cours » et de l’évolution démographique. « Ce sont les Nations unies qui auront la clé du logiciel informatique compilant les résultats », commente la présidence. « L’idée que la Lépi est une bonne chose est ultramajoritaire parmi la population mais le blocage actuel traduit les limites de la méthode Yayi. Son ostracisme à l’égard de la classe politique lui est dommageable, et l’opposition est en train de démontrer son pouvoir de nuisance. Or une réforme électorale nécessite un minimum de consensus. Nous en sommes loin », craint un observateur averti.

la suite après cette publicité

« Nous ne sommes pas des politiciens chevronnés, et les vaincus de 2006 n’ont toujours pas accepté l’intrusion de ce nouveau venu, de ce banquier qui a conquis le pouvoir sans parti. Et puis, nous avons coupé les robinets… » répond un ministre sous le couvert de l’anonymat. Allusion notamment au rapatriement dans les comptes de l’État des revenus générés par la vente d’automobiles d’occasion au port de Cotonou. Avant 2006, ce business fort lucratif (autour de 40 milliards de F CFA par an) était tenu par des proches du pouvoir sous Kérékou. De ce point de vue, la rupture est réelle.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

La rédaction vous recommande

Contenus partenaires