De Lumumba à Kabila
Il y a exactement un demi-siècle, le 30 juin 1960, le Congo-Kinshasa voyait le jour. Bilan du cinquantenaire de l’un des plus grands pays d’Afrique, à travers ses hommes, ses mots, ses chansons, et sa jeunesse.
Spécial 50 ans. De Lumumba à Kabila
La politique, ici, a longtemps conjugué la farce et la tragédie grecque, côtoyé Ubu Roi et le drame shakespearien… Les chiffres, ici, donnent encore le vertige. Budget 2010 : 6 milliards de dollars, soit un peu plus de la moitié de celui de Paris, dont une bonne part en promesses d’aide, pour une population dépassant les 60 millions d’âmes. Montant de la dette extérieure : 10 milliards de dollars, 130 % du PIB. Taux d’accès à l’électricité : 6 %. Poids de l’informel dans l’économie : 93 %. Temps nécessaire à un véhicule tout-terrain pour parcourir les 3 500 km qui séparent Boma de Goma : quatre à cinq semaines, si Dieu lui prête secours. Espérance de vie : 42 ans. Nombre d’habitants à Kinshasa : 8 à 9 millions, soit deux fois la population totale du « Congo d’en face », sept fois celle du Gabon, onze fois celle de la Guinée équatoriale… Les qualificatifs, ici, sont des superlatifs : « scandale géologique », « tour de Babel linguistique », « château d’eau de l’Afrique », « gâchette du continent »… Le gâchis, ici, est à la mesure de la richesse potentielle de ce pays continent : abyssal.
Un demi-siècle après l’indépendance, le temps est donc venu de faire les comptes. Aux Congolais de les établir en s’appuyant sur ce qui, miraculeusement, les a toujours unis malgré les souffrances, les invasions étrangères, les ingérences, les tentatives de sécession, et la répétition des échecs : une identité commune, une volonté de vivre ensemble, le sentiment d’être agrégés par le sort, la débrouille et le rêve de ce qu’ils pourraient être. De Lumumba à Kabila en passant par Mobutu, le nationalisme ici n’a jamais reposé sur l’exaltation du passé mais sur celle du patrimoine terrestre dont regorge un sous-sol aussi inaccessible qu’un coffre-fort. Encore faut-il, pour s’en approprier les clés, introduire la culture de l’État, redonner aux Congolais l’estime d’eux-mêmes et mettre un terme à ce désir quotidien d’être pris en charge qui tenaille les millions de lutteurs de la survie, épuisés par deux décennies de crise.
Depuis l’élection pluraliste et démocratique de 2006, la première dans l’histoire du pays, une certaine stabilité politique, condition sine qua non pour amorcer enfin la spirale du développement, est apparue. Il appartient à Joseph Kabila, proche de l’Afrique anglophone et des dragons asiatiques, mentalement décomplexé et psychologiquement décolonisé par rapport aux « tontons » belges, premier chef d’État véritablement post-colonial en somme, de conquérir cette seconde indépendance. Ou de fermer boutique, ce que nul n’ose imaginer…
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