Le Bénin de visu
Inaugurée le 8 juin, la première édition de « Regard Bénin 1.0 » se déroulera jusqu’en août dans quatre villes du pays. Un événement qui entend valoriser les arts visuels africains et faire de Cotonou une capitale culturelle.
Il est encore trop tôt pour parler de biennale. Mais cette première édition de « Regard Bénin 1.0 », inaugurée le 8 juin et qui se déroulera jusqu’en août à Cotonou, Porto-Novo, Abomey et Ouidah, a tout pour devenir le nouveau rendez-vous des arts visuels africains. En moins de trois mois une dizaine d’artistes ont répondu présent à l’invitation du ministère béninois de la Culture, de Culturesfrance et du Centre culturel français de Cotonou. Une gageure ? « Non », répond Olivier Poivre d’Arvor, dont la dernière action en tant que directeur de Culturesfrance aura donc été « béninoise ». « Il y a ici des talents magnifiques et un terrain artistique extraordinaire. Le cinquantième anniversaire de l’indépendance du Bénin nous a en outre offert l’occasion d’impulser une dynamique pour faire de Cotonou l’une des capitales de l’art contemporain », conclut-il. De ce point de vue, la Fondation Zinsou, avec ses 600 œuvres acquises et ses 24 expositions organisées depuis cinq ans – la dernière est consacrée aux indépendances –, est un formidable appui. En l’absence du « patron », Romuald Hazoumé – indisponible pour cause d’exposition en Allemagne –, la relève est assurée. Et il n’est pas interdit d’évoquer une « école béninoise ». Seul, lâché par les siens, Georges Adéagbo a été « en pèlerinage et en souffrance pendant vingt-trois ans », avant de renaître il y a une dizaine d’années (prix du jury de la Biennale de Venise en 1999). Aujourd’hui, à 68 ans, ses installations, uniques et éphémères, racontant « l’homme, le monde et l’espace », traversent les frontières, s’envolant jusqu’au Japon, en Allemagne, en Italie…
Culte des jumeaux
Sous son allure frêle, Zinkpè travaille son quotidien béninois, propose des peintures intimistes et envoie parfois une belle claque à l’Occident, moquant son goût pour la posture compassionnelle. Plus audacieux, avec ses statuettes en bois répétées à l’infini, il se frotte à présent au culte des jumeaux. Cotonou est sa base, son inspiration. Grâce à sa jeunesse et à son esprit collectif, le plasticien Tchif se déploie tous azimuts. Son Espace Tchif est un lieu de rencontres et de partage (peinture, musique, et même football durant la Coupe du monde).
Quant à Aston, avec sa voix bredouillante, il donne « à voir et à émouvoir », avec notamment son Bateau négrier. Il recycle tout : piles, plastique, sacs, fils, chaussures… C’est sa façon de lutter contre la pollution. La minutie du travail est saisissante. L’œuvre désarçonne.
À la portée de tous
« Ce débat créatif », pour reprendre l’expression de Georges Adéagbo, délivre une formidable énergie. À Cotonou et à Porto-Novo, une cinquantaine d’artistes ont également ouvert les portes de leurs ateliers à l’occasion de l’opération « Waba » (« à la portée de tous », en langue fon) organisée par l’association Elowa. Parmi eux : Simplice Ahouansou, Charly d’Almeida, Théodore Dakpogan, Benjamin Deguenon ou bien encore Rafiy Okefolahan (l’initiateur du projet)… Au fond d’une cour ou sur la terrasse d’un immeuble, l’art contemporain est en mouvement. C’est inégal mais toujours sincère. De quoi faire revenir les enfants du pays. « Petit gars du Val de Loire, en France », William Adjété Wilson a renoué avec ses origines béninoises et togolaises, et expose L’Océan noir, 18 tentures retraçant l’histoire commune des trois continents (Afrique, Amérique, Europe). Pour cela, il a travaillé dans l’atelier d’Apollinaire Pèdé et repris l’art traditionnel de la tenture d’Abomey, l’ancienne capitale du royaume.
« La culture béninoise doit servir de catalyseur. Et permettre à la population de découvrir ses artistes et redécouvrir son patrimoine », explique Galiou Soglo, le ministre de la Culture, de l’Alphabétisation et de la Promotion des langues nationales. « Regard Bénin 1.0 » a tracé la voie. Les artistes béninois ont déjà pris les devants.
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