Berne boit le calice jusqu’à la lie
La Confédération helvétique signe avec la Jamahiriya un accord qui met un point final à une rocambolesque crise diplomatique. Non sans renouveler ses excuses à Kadhafi.
En août 2009, Hans-Rudolf Merz, alors président de la Confédération helvétique, était allé présenter ses excuses aux Libyens pour l’arrestation, dans des conditions jugées humiliantes, de Hannibal Kadhafi, le fils du « Guide », le 15 juillet 2008, à Genève, à la suite d’une plainte de deux de ses domestiques, retirée quelques semaines plus tard. Le 14 juin, la Confédération helvétique a renouvelé ses excuses à la Libye et signé avec elle, à Tripoli, un accord mettant un point final à la brouille entre les deux pays.
Amers, la plupart des médias suisses dénoncent une nouvelle capitulation. « La Confédération a dû s’humilier devant le clan Kadhafi », estime la Télévision suisse romande. Et la presse écrite de lui emboîter le pas : « Échec [de la Suisse] sur toute la ligne », « la Suisse a tendu l’autre joue », « la diplomatie suisse a été mise sous tutelle ». « À Tripoli, c’est sous l’œil des Européens que [Micheline] Calmy-Rey [chef de la diplomatie suisse, NDLR] a abdiqué », note un quotidien. Cette dernière, reçue par le « Guide » en compagnie de son homologue espagnol, Miguel Ángel Moratinos, dont le pays assure la présidence de l’Union européenne, et du président du Conseil italien, Silvio Berlusconi, a ramené dans son avion l’homme d’affaires suisse Max Göldi, « retenu » et emprisonné en Libye depuis deux ans.
Jusqu’au bout, les deux parties de cette rocambolesque crise diplomatique ont joué au « tit for tat », se rendant coup pour coup. À la « liste noire » suisse, qui a privé pendant plusieurs mois 180 membres du clan Kadhafi de visas Schengen, avait répondu la décision libyenne de ne plus accueillir de visiteurs européens. « Œil pour œil, dent pour dent », avait averti Aïcha Kadhafi, accourue à Genève il y a deux ans pour soutenir son frère. « La Libye n’a fait aucune concession », a tenu à souligner Moussa Koussa, le ministre libyen des Affaires étrangères. Pour accepter la normalisation des relations bilatérales, Tripoli a exigé que soient engagées des poursuites contre le responsable de la fuite qui a permis à un journal suisse de publier une photo judiciaire de Hannibal. Et si elles n’aboutissent pas, ce dernier devrait alors recevoir une somme avoisinant 2 millions de francs suisses (1,4 million d’euros). Une compensation, pour certains, une rançon pour d’autres.
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