Philibert Tsiranana

Trop proche de la France, il s’est vu contester le titre de « Père de l’indépendance ». Il présida pourtant à « l’âge d’or » du pays.

Philibert Tsiranana, un « père de l’indépendance » au statut contesté. © AFP

Philibert Tsiranana, un « père de l’indépendance » au statut contesté. © AFP

Publié le 24 juin 2010 Lecture : 2 minutes.

Madagascar, la démocratie par la rue
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Philibert Tsiranana sera certainement toujours moins populaire que Didier Ratsiraka, l’amiral qui osa dire « non » aux vazaha (« Blancs »). Certes, il jouit du titre de « Père de l’indépendance », mais combien d’historiens et d’intellectuels le lui contestent ! Ceux-là même qui notent avec nostalgie que, sous sa direction, dans les années 1960, une famille de la petite bourgeoisie pouvait se payer une voiture et quelques semaines de vacances en France alors que, aujourd’hui, cela leur est impossible, se refusent à reconnaître en Tsiranana­ un président de qualité. Pour eux, il n’était qu’un homme de paille de la France, un statut rédhibitoire dans un pays où survit un nationalisme à fleur de peau.

« On a voulu faire passer Tsiranana pour un valet de la France. C’est en fait plus complexe. C’était un nationaliste modéré, un francophile qui ne souhaitait pas la rupture avec l’ancienne métropole », soutient Denis-Alexandre Lahiniriko, auteur d’un travail historique sur le premier président de la Ire République malgache.

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Il faut dire que, sans la main de l’administration coloniale, jamais peut-être ce fils d’éleveurs de bœufs, né en 1910 et mort en 1978, n’aurait pris les rênes du pays. Après avoir fréquenté les nationalistes et les communistes dans les années 1940, Tsiranana, devenu instituteur, adopte une posture moins radicale. Il dit oui à l’indépendance, mais pas tout de suite. « Cette indépendance, nous l’avons retardée pour que la période de 1946 à 1958 permette aux tribus qui n’en avaient pas de former leurs cadres, intellectuels et politiques », s’expliquait-il en 1968. Sans ça, les côtiers « seraient restés de petits chefs de village, des subordonnés, des subjugués, pour ne pas dire des esclaves », tandis que les Merinas, les habitants des hauts plateaux, aux lointaines origines asiatiques, auraient cumulé tous les pouvoirs. « C’était à coup sûr la guerre civile. »

Tsiranana était avant tout un ardent défenseur de l’unité nationale et un grand anticommuniste. C’était aussi un francophile – « de culture française­, nous sommes et nous voulons rester français », disait-il. La France sachant reconnaître les siens, les administrateurs coloniaux, qui le perçoivent comme un « nationaliste raisonnable », lui mettent le pied à l’étrier : en 1958, il prend la tête du Conseil de gouvernement.

Le 26 juin 1960, c’est le jour de gloire. Madagascar redevient un pays libre et plutôt bien loti. Favorable à « l’existence d’une opposition contradictoire et systématique », ­Tsiranana laisse l’opposition le critiquer. En « socialiste libéral », il donne les clés au secteur privé. La situation économique s’améliore, mais il faut dire que le président bénéficie d’un soutien financier sans faille de Paris. Mais de quelle indépendance ­parle-t-on ? L’enseignement n’évolue guère – d’où la « malgachisation » souhaitée en 1972. Les conseillers français restent en place, jusque dans l’entourage le plus proche du président. L’armée aussi, puisque la France maintient ses bases militaires. Quant aux investisseurs français, ils monopolisent les richesses.

Incapable de voir l’évolution idéologique de l’intelligentsia malgache, bercée d’idéaux marxistes, Tsiranana n’écoute plus grand monde après ses réélections en 1965 et 1972. Affaibli par une maladie cardiovasculaire qui l’oblige à s’absenter du pays, il devient autoritaire et voit des complots partout. Mais il ne sent pas arriver la contestation. La jacquerie de 1971 dans le Sud et la révolte de 1972 à Tana lui seront fatales. Malgré plusieurs tentatives de retour, Tsiranana finira ses jours en opposant fantôme, ignoré des Malgaches.

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