Et pendant ce temps, Dadis…

Tenu à l’écart du pays jusqu’à la fin du processus électoral, l’ex-chef de la junte, en convalescence, n’en suit pas moins une campagne… dont l’issue pourrait décider de son sort.

Publié le 25 juin 2010 Lecture : 3 minutes.

La Guinée face à son destin
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La Guinée face à son destin

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Ceux qui l’ont vu récemment sont d’accord sur un point : Moussa Dadis Camara va bien. Il a repris du poids, se déplace facilement et, malgré quelques difficultés encore pour s’exprimer, a recouvré toutes ses facultés. « Il est bien plus calme », assure un conseiller du président burkinabè, Blaise Compaoré­. « Il n’a plus de colères comme par le passé », confirme un de ses amis, qui lui rend régulièrement visite.

Un Dadis plus apaisé mais pas pour autant rassuré. Surtout depuis qu’il a eu connaissance de l’accord du 5 janvier (révélé par Jeune Afrique n° 2578) entre Sékouba Konaté, alors numéro deux de la junte, André Parant, conseiller Afrique de l’Élysée, et Johnnie Carson, son homologue américain. À Rabat, où Dadis Camara était soigné après avoir reçu une balle dans la tête, le général Konaté, qui allait assurer l’intérim, promettait entre autres aux Français et aux Américains qu’il ne laisserait pas Dadis revenir en Guinée avant la fin du processus électoral. La pilule est dure à avaler. Sékouba disait, à Ouagadougou, quand il s’est fait remettre le pouvoir en janvier, que le chef de la junte était en convalescence et libre de ses mouvements. On se doutait qu’il n’en était rien. Dadis en a aujourd’hui la preuve.

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« Son pays, ses montagnes lui manquent », assure un proche. « Il sort souvent, il se déplace comme il veut. Mais, franchement, le Burkina – pays au climat hostile – n’est pas un environnement propice à la récupération physique », poursuit-il, s’inquiétant pour la santé du convalescent : « Il doit aller faire des examens, mais n’ose plus retourner au Maroc. Il n’a plus confiance. »

Il ne « recommande » aucun candidat

À Ouaga 2000, le quartier où les Burkinabè lui ont attribué une grande villa, Dadis commence à trouver le temps long. Son épouse, Jeanne, qui vit la plupart du temps au Maroc, où sont scolarisés deux de ses enfants, vient lui rendre régulièrement visite. Son neveu Théodore Kourouma, que les victimes du massacre du 28 septembre 2009 accusent d’exactions, partage la même villa.

Pour y pénétrer, il faut avoir été annoncé. Une liste des visiteurs attendus est transmise par Dadis aux militaires burkinabè, une demi-douzaine, tous en civil, qui gardent le lieu. Blaise Compaoré s’est déplacé plusieurs fois dans cette villa, qui fut longtemps occupée par un autre Guinéen, l’opposant historique Alpha Condé, candidat à l’élection du 27 juin. Son « frère » Sékouba Konaté ne lui a pas rendu visite depuis le 15 janvier et la signature de l’accord qui organisait l’intérim.

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Pour remplir ses longues journées sahéliennes, Dadis regarde la télé. Depuis peu, il a un bouquet satellite qui lui permet d’accéder aux chaînes guinéennes. Il surfe aussi sur internet et lit tout ce que publient les sites guinéens. « Il suit la campagne avec beaucoup d’attention, même s’il ne recommande pas un candidat en particulier », assure le même ami. Deux anciens ministres en lice pour la présidentielle sont des amis d’enfance, Papa Koly Kourouma et Boubacar Barry. Ils pourraient, dans le probable scénario d’un second tour, monnayer leur soutien, chacun de son côté, pour que le nouveau chef de l’État se montre conciliant avec l’ancien putschiste.

En attendant, Dadis vit modestement, pris en charge par l’État burkinabè. Ses proches assurent qu’il n’a pas les moyens financiers de soutenir un candidat ou de fomenter une révolte en Guinée forestière. « Dadis aime le pouvoir, pas l’argent. Tout le contraire de Sékouba », commente, avec un zeste de perfidie, un conseiller du président Compaoré.

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L’ancien numéro un guinéen attend avec anxiété le résultat du scrutin du 27 juin. Son sort dépendra grandement de l’attitude du nouveau président vis-à-vis des poursuites relatives au massacre du 28 septembre. Dadis Camara a toujours au-dessus de la tête une épée de Damoclès : celle d’un procès national ou devant la Cours pénale internationale.

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