Sombre avenir pour le Fespaco
Financements en diminution, films africains moins nombreux… les difficultés auxquelles le festival de Ouagadougou doit faire face se multiplient.
Même le site web du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou n’incite pas à l’optimisme. Dans sa page « Actualité », les deux brèves les plus récentes évoquent le décès du comédien burkinabè Sotigui Kouyaté et celui du cinéaste sénégalais Mahama Johnson Traoré. Le cinéma africain en serait-il réduit à ne plus se tourner que vers son passé ?
C’est ce que pense le réalisateur ivoirien Roger Gnoan M’Bala, dont le film Au nom du Christ a reçu le Grand Prix 1993 du Fespaco, qui a récemment déclaré que « le cinéma africain est en train de mourir ». C’est aussi ce que craint Michel Ouédraogo, le délégué général du Fespaco : « La programmation de la dernière édition [en 2009, NDLR] a été de grande qualité. Mais la moisson sera moins bonne en 2011. Je peux me tromper, mais quand je vois les scénarios qu’on m’envoie, je m’inquiète. »
Sa chemise d’un rouge éclatant contraste avec les sombres angoisses de celui qui dirige le Fespaco depuis deux ans. Selon lui, le cinéma du continent stagne faute de moyens financiers. « Le problème n’est pas humain. Il y a vraiment de la qualité chez les jeunes générations. Mais il n’y a pas d’argent. » En écho au constat de M’Bala selon lequel « il n’y a pas de voie, pas de circuit », Ouédraogo se désole de voir les financements s’amenuiser et les salles de cinéma disparaître « parce que les films étrangers que l’on propose n’ont rien à voir avec le quotidien des Africains ». Surtout, il redoute que la déliquescence du cinéma continental ne se répercute sur le Fespaco. « Nos difficultés sont à l’image de celle du cinéma africain », reconnaît-il.
En quête de sponsors
Victime de son succès – « en 1969, nous proposions 13 films, aujourd’hui, nous en sélectionnons 124 et nous enregistrons près de 13 000 badges et 1 million de spectateurs » –, le festival, qui compte 40 salariés, n’arrive plus à se financer. Si Ouédraogo se refuse à évoquer un S.O.S., ça en a tout l’air. « Ce n’est pas alarmant. Beaucoup de festivals sont passés par là. Mais si on ne fait rien… »
En cause : la « lassitude » des bailleurs, « qui ne voient plus l’intérêt de financer la culture comme avant », et la multiplication des événements culturels en Afrique. « Il y a vingt ans, le Fespaco était seul. Aujourd’hui, rien qu’au Burkina Faso, il y a un festival de gospel, un autre de jazz… Sur le continent, il y a le festival de Zanzibar, celui d’Abidjan… Or nous allons tous vers les mêmes partenaires. L’enveloppe se réduit. » Jusqu’à présent, l’État burkinabè a joué les bouche-trous. Selon Ouédraogo, son soutien est passé de 165 millions de F CFA (250 000 euros) en 1995 à plus de 500 millions de F CFA en 2009, quand la contribution des autres partenaires financiers chutait de 700 millions à 275 millions de F CFA – pour un budget total de 2,5 millions d’euros. Aujourd’hui, ce n’est plus tenable. « L’État a d’autres priorités. Nous devons trouver d’autres sources de financement », lâche-t-il.
Pour cela, le délégué général compte plus que jamais communiquer afin de « mobiliser l’ensemble des acteurs ». Ouédraogo entend faire du pied aux sociétés privées – « on ne doit pas s’interdire de faire ce qu’a fait la CAF [Confédération africaine de football, NDLR] en faisant sponsoriser la CAN [Coupe d’Afrique des Nations, NDLR] par Orange » – mais aussi aux autres festivals, comme celui de Cannes, « qui a intérêt à soutenir le cinéma africain ».
Tout cela ne sera pas simple, reconnaît l’ancien journaliste. Quarante et un ans (et 21 éditions) après sa création, le Fespaco peut-il disparaître ? Ouédraogo n’y croit pas. « Nous suscitons toujours l’intérêt. À chaque festival, les salles sont pleines », assure-t-il, tout en reconnaissant que tout dépendra de l’évolution du cinéma africain. « Si on produit de bons films, tout ira bien. Des salles rouvriront et les financeurs reviendront. » On en est encore loin : il y a dix ans, le Burkina Faso comptait une cinquantaine de salles de cinéma ; aujourd’hui, c’est à peine s’il y en a dix.
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