Moussa Traoré, condamné à la tranquilité

A la tête du pays de 1968 à 1991, condamné à mort en 1992 et en 1999, l’ancien chef de l’Etat coule une retraite dorée à Bamako.  

Moussa Traoré, lors de son procès à Bamako en 1993. © Capture d’écran ina.fr

Moussa Traoré, lors de son procès à Bamako en 1993. © Capture d’écran ina.fr

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Publié le 20 juillet 2010 Lecture : 3 minutes.

Mali, la leçon de Bamako
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Mali, la leçon de Bamako

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On peut dire que le général Moussa Traoré a la baraka. Après les événements de mars 1991 durant lesquels son armée a massacré quelque 200 manifestants, avant qu’un groupe d’officiers ne le renverse, il n’a pas fini au poteau d’exécution ni reçu de balle perdue. Il a simplement été arrêté.

En 1992, les nouvelles autorités du pays ont organisé un procès, qui aboutira à sa condamnation à mort pour crimes politiques. Un deuxième procès, pour crimes économiques, se terminera par une deuxième condamnation à mort, à laquelle s’ajoute cette fois celle de sa femme, Mariam. En attendant l’application de la peine, le couple sera détenu à Markala, à environ 270 km de la capitale, Bamako. Fallait-il exécuter Moussa Traoré ? Le débat fut tranché par le président de l’époque, Alpha Oumar Konaré, opposé à la peine de mort. Dans un premier temps, il commuera la condamnation à mort en prison à perpétuité. Puis, en 2002, année où il achève son deuxième et dernier mandat, Konaré gracie M. et Mme Traoré. S’expliquant sur son refus de voir l’ancien président exécuté, Konaré estima qu’il fallait le laisser en vie afin qu’il voie la démocratie s’installer au Mali.

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Le chef d’Etat déchu n’avait pourtant pas montré la même mansuétude à l’endroit de Modibo Keita, figure historique s’il en fut. Non content de l’avoir renversé, Moussa Traoré gardera, on ne sait pourquoi, une dent contre son prédécesseur, qu’il laissera mourir en détention, dans des conditions très dures, en 1977. Sans aucun regret. La radio malienne annoncera non pas la mort d’un ancien président, mais celle d’un « ancien instituteur à la retraite ».

En novembre 1968, le lieutenant Moussa Traoré est un inconnu. Les Maliens le découvrent quand il annonce, à la radio, le putsch et l’arrestation de Modibo Keita. L’ambition du nouvel homme fort du pays est-elle, comme il ne cesse de le clamer, la remise sur les rails d’une économie ruinée par la gestion collectiviste de Keita ? Ainsi que la restauration des libertés confisquées par le parti unique ?

Pendant ses vingt-trois ans de règne, le général n’atteint ni l’un ni l’autre de ces objectifs. Au contraire, il met en place un système encore plus répressif, qui ne tolère aucune contestation et élimine systématiquement les rivaux, et il crée un parti unique. Moussa Traoré se parjure continuellement. Il a pris goût au pouvoir. Il s’y accroche, en devient prisonnier.

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Sur le plan économique, le clan Traoré profite largement de ce qu’il y a à prendre. Pendant le procès pour crimes économiques, on parle de détournements estimés à 2 milliards de dollars cachés dans des banques suisses. Ce magot provenait de 169 chargements d’or expédiés vers la Confédération helvétique pour affinage… et dont les recettes de vente atterrirent sur des comptes personnels. Bien que le gouvernement de transition s’adresse à la Suisse, en 1991, pour que les comptes en question soient bloqués à titre préventif, tous ne le seront pas. Résultat : six ans plus tard, Berne ne restituera que 2,4 millions de dollars à Bamako, au lieu du milliard et demi attendu.

Depuis sa libération, Moussa Traoré, qui aura 74 ans en septembre, coule des jours heureux dans une villa de la capitale et fait montre d’une piété exemplaire. L’Etat lui verse environ 780 000 F CFA (1 200 euros) chaque mois, et a mis à sa disposition plusieurs véhicules pour ses déplacements, ainsi qu’une garde personnelle.

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