La scène contemporaine sort les maux de l’ombre

Apartheid, sida, racisme… Dans des œuvres récemment présentées à Paris, les chorégraphes exhibent les blessures et les cicatrices de la nation Arc-en-Ciel.

Gregory Maqoma, auteur et interprète de Beautiful Me. © Fedephoto

Gregory Maqoma, auteur et interprète de Beautiful Me. © Fedephoto

Publié le 19 juin 2010 Lecture : 2 minutes.

Coup de projecteur sur les artistes sud-africains
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Coup de projecteur sur les artistes sud-africains

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Les hérauts de la scène sud-africaine partent à l’assaut des théâtres européens. Il y a d’abord l’incontournable Robyn Orlin, connue pour son langage chorégraphique politiquement incorrect et pour les titres de ses spectacles, toujours improbables. Mieux vaut ne pas traduire If You Can’t Change the World Change Your Curtains (1990) ou Walking Next to Our Shoes Intoxicated by Strawberries and Cream, We Enter Continents Without Knocking (2009).

Née en 1955 à Johannesburg, d’un père lituanien et d’une mère danseuse polonaise (tous deux émigrés en Afrique du Sud avant la Seconde Guerre mondiale), Robyn Orlin démarre sa carrière de chorégraphe en 1980. Très vite, elle s’attaque aux thèmes les plus douloureux de son pays : l’apartheid, puis le sida, le racisme… « L’art ne sert à rien s’il n’est pas en prise avec le réel », répète-t-elle à l’envi. Dans ses chorégraphies, le théâtre n’est jamais loin, la vidéo souvent présente, et elle aime faire participer les spectateurs ou placer ses interprètes dans la salle. Elle a présenté, en mai à Paris, l’une de ses pièces phares : Daddy, I’ve Seen This Piece Six Times Before and I Still Don’t Know Why They’re Hurting Each Other (1999), qui tourne en dérision le ballet classique, importation coloniale soutenue durant l’apartheid par le gouvernement blanc nationaliste.

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Il y a ensuite la dynamique troupe Via Katlehong, qui a créé une nouvelle forme de danse appelée mogaba (mélange de pantsula – danse urbaine des townships -, de gumboots – danse née dans les mines d’or – et de danse contemporaine africaine), mais aussi deux valeurs sûres de la scène contemporaine noire : Boyzie Cekwana et Gregory Maqoma. Tous deux enfants de Soweto qui, à leur manière, explorent l’Afrique du Sud actuelle. Après une pause de deux ans, Boyzie Cekwana revient avec une trilogie, The Floating Outfit Project. Les deux premiers volets ont été présentés en France lors des Rencontres chorégraphiques de Seine-Saint-Denis, le mois dernier : Influx Controls : I Wanna Be Wanna Be et On the 12th Night of Never, I Will Not Be Held Black.

« Influx controls » est une loi votée pendant l’apartheid pour contrôler les flux de population et fixer des frontières entre Noirs et Blancs. Même effacée, cette séparation reste inscrite dans l’espace sud-africain, le langage et les corps de ses habitants, selon le chorégraphe, qui affirme qu’il est « impossible d’échapper à l’Histoire ».

Quant à Gregory Maqoma, il livre avec Beautiful Me, présenté en mai au Théâtre de la Ville, à Paris, un magnifique solo, sensible, gracile, qui, malgré des thèmes difficiles (le sida et l’indifférence des politiques à l’égard de la maladie notamment), sait rester léger. A l’image de ce danseur, chorégraphe et pédagogue, créateur en 1999 du Vuyani Dance Theatre. Un grand timide qui n’est à l’aise que sur scène et qui s’est entouré, pour Beautiful Me, de musiciens qui l’accompagnent en direct (percussions, cithare, violon et violoncelle). « La musique joue un rôle vital dans cette création, dit-il. Je suis fier de mon pays et de mes traditions et je suis fier de pouvoir les explorer dans mon travail. Grâce à la danse, on peut transcender les frontières. »

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