Oléiculture : celle par qui tout a commencé
Alors que son huile d’olive se morfondait depuis des années dans l’anonymat de la vente en vrac, la Tunisie est devenue, en 2009, le premier producteur d’huile d’olive bio au monde. Une vraie révolution.
Tunisie : la bio aptitude
Pour les Tunisiens, parler d’olives ou d’huile d’olive biologiques frise le pléonasme, puisque « leurs » oliviers et « leur » huile sont, par tradition et pour toujours, plus assujettis aux caprices de la nature qu’aux soins de l’homme. Ils n’ont pas tort. Dans cette filière plus que dans d’autres, l’appellation « biologique » consacre la certification et l’estampille « bio » qu’elle autorise. C’est l’oléiculture qui est à l’origine et reste la locomotive de l’agriculture biologique en Tunisie, où les plantations d’oliviers représentent 115 000 ha, soit 60 % de la superficie totale cultivée en agriculture biologique. Rien d’étonnant, donc, à ce que l’objectif national de valorisation du potentiel de production biologique ait pour partenaire privilégié le secteur oléicole.
Ainsi que l’explique le patron du domaine Fendri (près de Sfax), Slim Fendri, deuxième plus gros producteur d’huile d’olive bio du pays depuis le milieu des années 1990, la certification bio porte d’une part sur le mode de culture et de traitement de l’olivier, et d’autre part sur les normes appliquées à l’huilerie. Tout commence par des cultures non intensives, des sols qui ne subissent aucune pollution, des arbres non traités chimiquement et un mode de récolte qui reste très majoritairement manuel, pour préserver le fruit. Et, en bout de chaîne, le respect d’un processus bien précis de transformation permet d’obtenir des huiles aptes à la certification « biologique ».
Une visibilité conférée par les prix internationaux
Fer de lance de la stratégie nationale de promotion de l’agriculture biologique adoptée début 2010, les oléiculteurs tunisiens misent désormais sur les spécificités de leur terroir et du savoir-faire ancestral, qui leur permet de produire une huile d’olive bio en conciliant qualité, rentabilité, préservation de l’environnement, et en donnant plus de goût au bio. En effet, les producteurs ont très vite saisi la portée de l’enjeu et mis en avant leur art de conjuguer les pratiques de culture et de transformation biologiques avec un mode de production qui conserve à l’huile d’olive toutes ses qualités organoleptiques, permet de développer ses différents goûts fruités et, même, de lancer des huiles d’olive biologiques aromatisées.
Ce changement de cap, soutenu par une campagne de promotion internationale pour l’huile conditionnée orchestrée par le Centre technique de l’emballage et du conditionnement (Packtec), a fait la différence et donné, en moins de deux ans, une réelle visibilité aux huiles d’olive tunisiennes, qui se fondaient depuis des années dans l’anonymat des exportations en vrac.
Ces dernières font désormais leur show sur la scène internationale et raflent des prix. Ainsi, lors du dernier salon international Foods & Goods, en mars 2010, les Moulins de Bouachir-Zaghouan (à 60 km de Tunis) ont reçu le gourmet de bronze dans la catégorie « fruité moyen, productions inférieures à 10 000 kg », tandis que Medolea (au pied du Djebel Ressas, à une trentaine de kilomètres au sud-est de Tunis) obtenait la mention « produit gourmet Avepa ». Medolea frappe par ailleurs un grand coup en Italie, le fief de l’huile d’olive, où elle a remporté, en mai, le premier prix au Monocultivaroliveoil Expo de Milan.
Dès sa deuxième année de production, le domaine s’était déjà distingué en se classant parmi « les 250 meilleures huiles du monde » sélectionnées par le concours annuel de la revue allemande Feinschmecker. Pour Cecilia Muriel, à la tête du domaine Medolea, le vrai défi est de préserver et conserver les variétés locales tout en adoptant les outils qui permettent de passer à la vitesse supérieure.
Ce succès crée une dynamique : la production d’huile d’olive biologique est passée de 16 000 t en 2006 à 25 000 t en 2009 (dont 9 650 t exportées), une croissance qui fait de la Tunisie le premier pays producteur d’huile d’olive bio dans le monde et reflète le dynamisme du marché, ainsi que l’intérêt qu’il y a à conditionner et faire labelliser son produit. Aujourd’hui, 50 opérateurs tunisiens (contre 20 en 2007) prospèrent dans cette niche de l’huile d’olive bio.
En deux ans, la Tunisie a donc fait un pas de géant pour que soit reconnue la qualité de son huile d’olive, et si le bio « ne paie pas aujourd’hui […], il représente l’avenir, assure Faïza Gargouri, à la tête de Gargouri Oil. La qualité est la seule issue possible pour sortir l’huile d’olive tunisienne du marasme dans lequel elle traîne ».
Ce challenge passe par une visibilité internationale, mais aussi locale. Le premier salon de l’huile d’olive conditionnée, qui se tient du 8 au 10 juin 2010 au centre des expositions Médina, à Yasmine Hammamet, vient combler l’absence d’une manifestation d’envergure dédiée au produit phare du pays. De nombreux oléiculteurs présenteront aux donneurs d’ordres, nationaux et étrangers, l’éventail de l’offre tunisienne, et le bio aura la vedette.
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